14.8.06

Bonnie and Clyde (part 2).

(petites natures s'abstenir)



B.O. : Fly right little girl, by Sunnyland Slim (1947)



Two.
Deux jours plus tard, j'étais tout bandé de partout. Le plus pénible avait été d'extraire la balle ; malgré sa délicatesse d'ex-infirmière, quand Bonnie a enfoncé la pointe rougie de son couteau dans mes chairs, moi le dur à cuire j'ai disparu de la circulation pendant un sacré bail. Après, j'ai passé des nuits à hurler, des nuits ; mais il devait être écrit quelque part que ce n'était pas sur ce coup-là que ce vieux Clyde Barrow avalerait son extrait de naissance, ça non. Là, doucement avachi sur le grand lit blanc, le corps calé par une bonne douzaine d'oreillers, je pouvais sans trop remuer couler des heures paisibles ; je dormais comme une gonzesse. Le soir, Bonnie venait me tenir compagnie.

C'était pas une fille comme les autres. Elle était grande et belle et blonde, et elle avait quelque chose en plus. Ses cheveux dorés qui descendaient en cascades sur ses épaules, cette façon entre toutes qu'elle avait de me regarder, ou sa bouche quand elle riait – je ne sais pas. Quand je lui demandais, elle me dévisageait longuement.
– Voyons, Clyde… elle répondait en plissant les yeux.
Et je fondais comme un ice-cream devant sa petite moue.

Ce soir-là, on roucoulait comme deux pigeons de première, à se raconter nos petits malheurs respectifs, quand soudain j'ai senti sa main se poser doucement sur ma cuisse. Bon, je vous ai dit que la balle était passée à ça de ma colonne vertébrale, à pas savoir si je pourrais remarcher un jour ? Et je vous ai dit, aussi, que Bonnie avait tout essayé, que tantôt je grimpais de douleur aux rideaux, tantôt je m'effondrais de ne rien sentir le long des draps ? Ouais, tout essayé – sauf m'enfiler des aiguilles dans les arpions, la belle affaire. De toute façon, ça n'aurait servi à rien : j'avais dans le fond de mon lit deux morceaux de bois complètement inutiles, comme si on m'avait coulé les jambes dans le béton.

Ce soir-là j'ai avancé la main, moi aussi. J'ai remonté l'échancrure du tee-shirt, dessous j'ai caressé les seins fermes et tendus, et j'ai posé doucement les doigts sur son petit cœur qui battait. Elle a fait lentement glisser sa main, lentement lentement, et puis, au bout d'un temps qui m'a paru infini, elle s'est jetée sur mes lèvres.

Bon, je vous épargne les prouesses habituelles, personnellement je revenais de l'enfer et sa peau était blanche, rien qu'y penser ça me collait des frissons. Jésus, ce corps parfait, Marie, cette véritable offrande, Joseph, cette douceur et cette énergie, celles d'une vraie femme et je n'en avais pas eues beaucoup dans ma vie. Elle avait la fraîcheur d'une rivière à la campagne, la vigueur d'un torrent de montagne, la force d'un fleuve à son delta ; jusqu'à plus soif je me suis baigné dans sa jouvence. Quand on a eu fini, j'avais recouvré l'usage de tous mes membres. J'étais guéri.



Après – après, s'est écoulé comme ça un certain temps. J'allais de la chambre au jardin et du jardin au garage, je m'installais sous la véranda, une bière à la main et le goût de la vie qui revenait peu à peu. Bonnie logeait dans un petit chalet perdu dans les hauteurs, dans ce coin de paradis je tâchais de remonter la pente et j'y allais mollo, c'est le moins qu'on puisse dire ; du lit au frigo et du frigo à ma chaise, je m'asseyais pensif, mes journées rythmées par le bruit des bouteilles vides s'entrechoquant dans la poubelle. Bientôt, je n'ai plus eu besoin de mes béquilles.

Oui, s'est écoulée comme ça une assez longue période, et puis un beau matin je me suis installé au volant.

Depuis un bout de temps les jours avaient retrouvé leurs couleurs, maintenant je voyais la vie sous un autre angle, pas de dessous ni de côté, mais bien en face. J'ai chargé les valises dans le coffre de la voiture, j'avais cette adresse dans le sud et je savais que les flics ne descendraient pas aussi bas. Enfin disons – je l'espérais.

Le soleil prenait tout son temps, on traversait des paysages noyés de brume, encore une fois la route était déserte, mais là je m'en foutais, j'avais plus besoin de vous. A côté, je voyais Bonnie qui se détendait, une fleur à la bouche, et je respirais moi aussi. A midi, on s'est arrêté dans une petite auberge au bord de l'eau, un cadre enchanteur avec des massifs de fleurs tout autour et le soleil qui irisait la scène de ses rayons aiguisés comme des silex. Ce genre d'endroit parfait, idyllique, où rien, vraiment rien ne vous indique que c'est là que vous avez rendez-vous avec le Diable.


(à suivre)...

8 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Anonymous Anonyme a écrit...

Hahaha, je mets à 0 h 14 heure de France un deuxième blues inconnu du public rien que pour cette deuxième partie

14/8/06 2:05 AM  
Blogger Brigetoun a écrit...

j'ai envie de connaître la suite bien sur, avec tes mots surtout, parce qu'en gros on la devine, mais ils sont tellement bien là dans leur auberge ...

14/8/06 9:15 AM  
Blogger bricol-girl a écrit...

" des cheveux blonds qui descendent en cascade" mon rêve de femme aux cheveux courts depuis la nuit des temps. dans une autre vie peut-être.

14/8/06 9:53 AM  
Blogger tirui a écrit...

et si tu mettais un gangster déguisé en lapin comme dans les enquêtes désopilantes de stephanie plum ?
(bon peut-être ça ferait moins sombre et romantique, du coup)

14/8/06 12:45 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Excellent ce feuilleton de l'été. Tu as vraiment un talent de conteuse! Ce soir, je ne me couche pas avant le troisième épisode ...

14/8/06 6:17 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

lire ce récit avec ta musique en fond sonore : parfait!

Wow!!! vivement la suite

14/8/06 6:52 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Sympathique retour de vacances, grâce à ces textes, encore... Merci !

15/8/06 8:59 AM  
Blogger Maurice a écrit...

Tu devrais envoyer Bonnie faire un petit tour du côté de Lourdes en ce moment ! Ca ferait peut-être un peu désordre ?

16/8/06 11:20 PM  

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