30.12.04

Dans la peau d'Anna Gavalda.

Je suis conne. Plutôt que livrer bêtement ma prose à ce journal qui ne sortira jamais de l'ombre dans laquelle il a été conçu, ne ferais-je pas mieux de proposer mes services à La Voix du Nord ?

Vous n'allez sans doute pas le croire, mais parfois la lecture de ce canard m'énerve vraiment. Quand on y réfléchit, c'est tout de même assez dingue : vu ce qu'on trouve comme infos sur le net, moi dans ma grande naïveté je me dis qu'aujourd'hui, un journal local digne de ce nom devrait plutôt privilégier la proximité, le lien social, le vécu des gens ; or trop souvent, cette matière n'est effleurée qu'en surface, presque par la bande.

Pour vous dire : hier par hasard, je suis tombée sur cet article qui parlait des gens qui vont travailler pendant le réveillon (taxis, cuisiniers, pompiers, etc). Bon, je présume qu'en cette période de l'année c'est un sujet battu et rebattu, le genre de marronnier qu'on refile au petit stagiaire qui vient d'arriver au journal en lui disant que Jean-Pierre Pernaud a commencé sa carrière comme ça – sauf que là, j'ai vraiment été déçue.

Ce qui m'a le plus ennuyée, c'est la banalité confondante des propos recueillis. Par exemple, le chauffeur de taxi nous confiait : "Ce soir-là, l’ambiance est particulière et les clients souvent sympas car ils sont heureux de fêter la nouvelle année" (non, sans blague ? Monsieur préfèrerait qu'on fasse la gueule, peut-être ?). Le capitaine des pompiers : "La nuit du réveillon est risquée car souvent, les gens sortent entre amis et font la grosse fête" (tiens c'est drôle, je n'imaginais pas du tout les choses comme ça !). Le directeur de l'hôpital : "Au niveau des urgences, c’est toujours la course" (dîtes Docteur... C'est un hôpital, ou une maison de repos votre établissement ?). Et la patronne de restaurant : "Comme c'est la première fois qu'on ouvre pour les fêtes, il n’a pas été facile de motiver le personnel" (entre nous là je préfère me taire, sinon vous allez encore dire que j'ai mauvais caractère)

Je ne sais pas ce que vous auriez fait à la place du journaliste, mais pour ce résultat-là moi je ne me serais même pas déplacée. D'ailleurs, rien qu'à examiner un tant soit peu la composition sociologique de l'échantillon proposé (un artisan-patron, un capitaine, un directeur d'hôpital, une restauratrice) je suis sûre que le gars en question s'est contenté d'appeler les gens au téléphone depuis chez lui. Un comble, non ?

Presque naturellement, ça m'a renvoyée à la scène la plus extraordinaire à mes yeux d'Ensemble, c'est tout, le dernier bouquin d'Anna Gavalda : celle où Camille vient aider Franck à préparer le réveillon dans son restaurant (j'aurais aimé vous citer la page, mais Sylvie ne m'a toujours pas rendu mon exemplaire). De mon point de vue, je trouve que ce passage devrait être inscrit d'office dans les programmes des CAP-BEP-Bac Pro de toutes les écoles hôtelières de France, de Belgique et de Navarre : on y lit en effet tous ces petits détails qui distinguent la fiction du récit d'une expérience vraiment vécue. Personnellement je n'ai jamais été serveuse ni même jamais fait aucun extra, mais ce passage est magique, c'est vraiment comme si vous y étiez, vous en sortez aussi épuisée que son auteure. Aaah, que n'ai-je le talent de la Gavalda pour vous narrer n'importe quelle journée de travail dans le petit call-center d'un service public plus tellement public !

Tiens, si je pouvais me glisser dans sa peau juste cinq minutes, je vous raconterais par exemple comment se déroule la nuit du réveillon dans une centrale nucléaire ; je vous emmènerais jusqu'à la salle de commandes, et là de charmants agents de permanence vous expliqueraient en quoi consiste leur boulot, et vous montreraient le fonctionnement de chaque bouton, de chaque hublot, de chaque manette…

Voyons voir, déjà. Le fil rouge avec le bouton rouge, le fil bleu avec le bouton bleu…
Oui, voilà exactement ce qu'il me faudrait pour m'occuper : raconter des expériences vécues dans La Voix du Nord.

Bon bien sûr, ce n'est pas possible : j'ai DÉJÀ un travail.

Et de toute façon, pour reprendre une activité même passagère, il faudrait que mon docteur m'y autorise (et vu qu'en ce moment on se fait la gueule toutes les deux, c'est même pas la peine d'y compter)

Non vraiment, y-a pas : je suis sans doute conne, mais je crois que je vais continuer à déverser ma prose dans ce journal.

Cela dit, je ne m'appelle peut-être pas Anna Gavalda, mais il m'est déjà arrivé une fois de fréquenter de près une brigade de cuisiniers lors d'un réveillon, et je ne suis pas prête d'oublier ma soirée.




(tableaux Robert Delaunay)

1 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Blogger Ally a écrit...

Jamais lu de bouquin d'Anna Galvada, je vais y songer;o) Ca m'a fait rire quand t'as parlé de call center d'un service public plus tellement public parce qu'aujourd'hui c'est mon dernier jour au 1013-1015 de France Telecom ! Bon en tous cas comme je sais pas si tu liras ton blog apres 18h, bah je te souhaite un bon reveillon ! gros bisous !

31/12/04 9:09 AM  

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