23.6.05

Stairway to heaven.

(yeux au ciel, mèche sur le front, bouche plissée)

Je ne vous dis pas cette chaude journée d'un été ordinaire
Je ne vous dis pas le ciel couleur de plomb, la chaleur oppressante
Je ne vous dis pas le soleil brûlant transperçant les nuages
Je ne vous dis pas la foule rassemblée devant la petite chapelle
Je ne vous dis pas ces parents inconnus, venus de loin
Je ne vous dis pas la tante de Londres, les cousins de Paris
Je ne vous dis pas ces gens perdus de vue, retrouvés là
Je ne vous dis pas les gens se balançant sur un pied, à l'écart
Je ne vous dis pas ces gens ne sachant comment se tenir
Je ne vous dis pas ces gens regardant leurs montres
Je ne vous dis pas les autres, parfaits inconnus aux yeux baissés
Je ne vous dis pas ces costumes sombres et ces robes légères
Je ne vous dis pas les odeurs de parfum se dégageant de la foule

Je ne vous dis pas les phrases entendues, les propos convenus
Je ne vous dis pas les "Bonjour", les "Comment vas-tu ? "
Je ne vous dis pas les bises sur la joue et les tapes sur l'épaule
Je ne vous dis pas les sourires grimacés et les clins d'œil humides
Je ne vous dis pas les regards qui se creusent
Je ne vous dis pas les épaules qui se voûtent
Je ne vous dis pas les lunettes que j'avais sur le nez

Après, je ne vous dis pas la voiture se frayant un passage au ralenti
Je ne vous dis pas les personnes qui en sortent et titubent
Je ne vous dis pas ce souffle de vent se levant au moment d'entrer
Je ne vous dis pas les vitraux comme irradiés de l'extérieur
Je ne vous dis pas l'ombre dansante et blafarde des bougies
Je ne vous dis pas cette foule qui se presse à pas comptés
Je ne vous dis pas l'espace trop petit, les gens qui restent debout
Je ne vous dis pas les quelques mots qu'a prononcé mon père
Je ne vous dis pas le Imagine crachouillé par la mauvaise sono
Je ne vous raconte pas le silence qui a suivi
Je ne vous dis pas le toussotement qui a fait se rouvrir les yeux
Je ne vous dis pas le rideau refermant ses ailes froissées
Je ne vous dis pas les hoquets, les pleurs, les gémissements
Je ne vous dis pas les larmes qui se mettent à couler sans bruit

Plus tard, beaucoup plus tard
Je ne vous dis pas ces portières qui claquent sur le parking désert
Je ne vous dis pas le feulement des motos qui démarrent
Je ne vous dis pas cette balade jusqu'au bord de la mer
Je ne vous dis pas cette trentaine de bolides à la file indienne
Easy rider, Sur les quais, L'Equipée sauvage, Mad Max
Je ne vous dis pas cette caravane qui s'arrête en rase campagne
Je ne vous dis pas quand j'ai pris l'urne dans la voiture de Papa
Je ne vous dis pas la tête de Thierry quand je l'ai fixée derrière lui
Je ne vous dis pas ces derniers kilomètres qu'ils firent en tête
Je ne vous dis pas cette brise dorée qui cinglait nos visages
Je ne vous dis pas les pensées qui s'évanouissent et qui meurent
Le temps, l'espace d'un dernier rendez-vous

Je ne vous dis pas la petite butte où tout le monde se rassemble
Je ne vous dis pas la voiture plus très jeune à côté des motos
Je ne vous dis pas le sentier serpentant au milieu des herbes folles
Je ne vous dis pas les falaises du Cap, les côtes de l'Angleterre
Je ne vous dis pas la mer envoyant paître ses moutons d'écume
Je ne vous dis pas la petite bande faisant cercle à deux pas du vide
Je ne vous dis pas ces souvenirs d'elle qui s'envolent dans l'azur
Je ne vous dis pas la vie, plus forte que tout, qui l'emporte au loin
et nous ramène vers l'essentiel, le futile et le superflu…

Je ne vous dis rien.




(photos X)

9 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Anonymous Anonyme a écrit...

De tes deux derniers textes, je ne peux expulser, que ma tête étrange d'un regard indéfinissable, qu'un temps incomptable face à un silence, qu'une volonté de... mais rien finalement.

Quand ton talent maîtrise les mots et l'exorcisme est si respectable.
Mais je ne suis que ce simple lecteur.

Je t'embrasse bien fort.

23/6/05 1:46 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

je ne te dis pas combien je pense vraiment à toi, combien je vais t'imaginer là-bas, combien j'en prononce des mots tout bas pour elles, pour toi, pour moi, tout ce que personne ne saura... T,I,A

23/6/05 3:26 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Quand on est là, les uns contre les autres, à sourire entre les larmes ou pleurer entre les mots.

Juste collés les uns aux autres.

A se tenir chaud du mieux qu'on peut. Pas chaud comme dans "il fait chaud", mais comme dans "chaud au coeur". Ou en tout cas pas si froid...

23/6/05 4:27 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

A la tienne Anitta !
Le blog t'attend...
Je te laisse le découvrir par toi-même ;-)
Bisous

23/6/05 8:40 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

...

Et maintenant que tu l'as écrit, je t'imagine, ce soir par exemple, en train de boire quelque chose de frais avec ton mari, sur une terrasse ou en train de rire avec ta fille.

Alors, je ne veux pas écrire quelque chose de triste parce que nous, nous découvrons que ça s'est passé comme ça, mais toi, tu vis avec depuis toutes ces années...

Je voudrais boire un coup avec toi et simplement te dire que c'est bien de l'avoir écrit, pour toi et pour nous tous aussi qui portons au fond de nous d'autres cercueils, d'autres processions, d'autres journées ensoleillées. Et par la grâce de tes mots, nous nous rendons compte qu'on peut aussi parler de ces moments-là, qu'ils sont dans nos vies et qu'on tourne autour, comme des derviches à la recherche de mots pour figer le mouvement.

Tchin tchin Anitta, nous sommes vivantes et il fait bien chaud ce soir.

23/6/05 10:33 PM  
Blogger Ally a écrit...

J'me répète hein, mais encore la chanson ! Alors déjà elle me fait pleurer quand je l'écoute habituellement, alors maintenant que ton texte y est rattaché, ça va être pire ! grrr! :D Bisous toi. Et bientôt PS2 avec Granturismo, une fois que j'serais entraînée, quand tu veux ! ;)

24/6/05 9:54 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

bon j'vais rien dire puisque tu dis rien

24/6/05 11:31 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Anitta, Anitta, Anitta... C'est pas la peine d'insister, non je ne te dirai pas l'émotion.

25/6/05 12:29 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Louise Ciccone... non mais tu en as de bonne toi.
J'ai une grosse houle dans la gorge, mais Samantdit à raison, il faut boire une petit vin bien frais, penser à nos morts et retourner vers les vivants

27/6/05 1:07 PM  

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