29.1.05

Fish-Burger.

C'était un dimanche ordinaire, un dimanche exactement comme les autres, la tête des gens et même le soleil étaient blancs.

Ce dimanche-là, les feux restaient bloqués au vert et les passages-piétons déserts, ce dimanche-là il suffisait d'y croire et de prier très fort, avec Thierry au volant moi je fredonnais le Requiem.
– Bon, t'es prête ? il m'a demandé.
– Pourquoi ? Pas toi ?
– Arrête tes bêtises, il a fait. On peut encore changer d'avis.
– J'aurais préféré une banque, j'ai répondu.
– Mais non ! Tout est dans le symbole ! Tu vas voir, ça va être un coup d'enfer ! Rends-toi compte, personne n'y a pensé avant nous ! Et pis tu la veux vraiment, ta salle de bains avec jacuzzi ?

Moi, c'était précisément le fait que personne n'y ait songé avant nous qui m'inquiètait. Tant qu'à verser dans la délinquance, je rêvais d'une grosse affaire ; mais ce qui poussait Thierry c'était le goût du risque, vous comprenez ?
– Tu comprends ?
– Pardon ?
– Bon sang, tu m'écoutes pas ! Allez, on y va !
Il avait décidé de laisser la voiture au parking, et cette idée ne m'emballait pas ; mais bon, Thierry et moi les coups d'enfer ça remonte à loin, et je vous passe les courses de mobylette le long de la plage : aujourd'hui c'était son tour de décider.

Une pluie de serpentins rouges et jaunes nous est tombée dessus sitôt qu'on a eu franchi la porte. Ce dimanche-là, le Restaurant des Familles affichait complet : partout, des tables prises d'assaut, partout, des hommes, des femmes, des enfants, partout, des jeunes, des vieux et des sans-âge ; des gens ordinaires se déplaçant en tous sens comme dans une fourmilière, une horde folle et pressée dévalant les files d'attente le portefeuille à la main.

Thierry s'est frayé sans ménagement un passage au beau milieu de ce morceau d'humanité. Quand il a sorti son pistolet de sa poche, ce fut l'effroi complet ; quand il a crié "LES MAINS EN L'AIR !", ce fut la panique générale.

Les clients se sont éparpillés de tous côtés, ça s'est mis à courir, à galoper, à sauter, à voler, un bazar, une émeute, une révolution, ça se lamentait, ça pleurait, ça criait, un avant-goût de l'horreur, et puis quelqu'un a hurlé "COUCHEZ-VOUUUS !", et tout le monde s'est couché, et le silence est retombé sur la salle comme un couvercle sur une poêle à frire.

Derrière le comptoir, les caissières et cuisiniers étaient au garde à vous, impassibles et transparents, et c'est l'Employée du Mois qui s'est avancée la première dans notre direction, hé oui, hé hé, ça se passe VRAIMENT comme ça, chez Mac-Trucmuche… C'était une blonde aux joues très rouges, tout dans le regard et pas vingt ans.
– Hep, vous la grande blonde ! Thierry a fait. La caisse, et plus vite que ça ! Et tant que vous y êtes...
Il m'a cligné de l'oeil.
– Donnez-moi un Big Trucmuche !
Tout marchait comme sur des roulettes. Le calme était revenu, et un épais silence enveloppait la boutique, une chape de plomb qui s'abattait sur tout le rez de chaussée. Oui, tout allait vraiment bien, les liasses de billets s'entassaient sur le comptoir et personne ne bougeait, même les mouches de la cuisine restaient planquées.

– MAIS C'EST THIERRY !
A ces mots j'ai entendu mon cœur cesser de battre. Ce grand clown orange qui descendait du premier étage les mains dans les poches de sa grenouillère jaune, ce clown aux cheveux rouges et aux chaussettes multicolores, vous le connaissez tous.
– THIERRY ! CE SACRE VIEUX THIERRY !
En face de lui, ce sacré vieux Thierry ouvrait des yeux ronds comme des petits pains. Ronald Mac-Trucmuche s'est approché et nous a tapé sur l'épaule.
– Alors ? On vient cambrioler le Mac-Trucmuche, maintenant ?
Il émanait du personnage une étrange sensation de douceur, un peu comme dans un dessin animé ; sa voix était aussi sucrée qu'un milkshake à la fraise. L'Ami des Enfants a soudain changé de ton.
– ET VOUS N'AVEZ PAS HONTE ?

Thierry et moi avons échangé un regard, et hoché la tête tous les deux. D'un seul coup, on s'est sentis comme deux enfants pris en faute, la main dans le pot de confiture ; moi j'ai baissé les yeux, et lui le pistolet. En volant la caisse du Mac-Trucmuche, on pensait écorner une image, faire un pied de nez géant à toute l'Amérique, et voilà que l'Amérique entière avait pris l'apparence de ce clown indestructible. Ronnie nous regardait tristement.

On a compris ça tous les deux en même temps. Ce qui fait l'éternité d'un symbole, ce n'est pas simplement sa résistance aux balles. Ce qui fait l'éternité d'un symbole, c'est la magie que son nom évoque, et on ne peut pas lutter contre cette magie-là – je pourrais vous raconter que Ronald Mac-Trucmuche s'est envolé dans le ciel à ce moment précis que vous me croiriez toujours – et vous auriez raison : car c'est exactement ce qu'il a fait.

Derrière nous, toute la salle se relevait maintenant l'œil méchant. Thierry a été épatant.
– Finalement, je prendrai que le Big Trucmuche, il a bredouillé. Je vous dois combien ?
On s'est sauvés en vitesse, la voiture au parking c'était bien une mauvaise idée, courir, courir avec cette meute aux fesses, ces affamés qui voulaient notre peau, courir, la Statue de la Liberté n'avait jamais si bien porté son nom.

On a obliqué sur la place, mais il était déjà trop tard. Fallait croire que tout ce que la Terre comptait d'Adorateurs du Hamburger s'était donné le mot : ils étaient des centaines, d'un côté les Français et les étrangers de l'autre, ils étaient des milliers, les Russes, les Américains, les Anglais, les Canadiens, les Belges et les Suédois, un vrai débarquement.

Ç'a été un moment extraordinaire, surtout qu'on s'est retrouvés au milieu de cette immensité, dans l'espace libre où tout était permis, sauf qu'on était deux et qu'ils étaient des millions autour de nous.

Ç'a été un moment émouvant, cette foule immobile et silencieuse et nous, séparés par un souffle et seuls au monde, quand ils ont foncé sur nous, le ciel s'est déchiré, il est devenu ROUGE.

Ç'a été un moment horrible, ils voulaient nous passer dans leur machine, un excité me tapait sur le bras, on était presque engloutis déjà dans la Moulinette Infernale, Thierry avait disparu depuis des lustres, on était définitivements cuits, emballés, pesés et mis en boîte entre deux rondelles de pain, et ce cinglé qui me déboîtait l'épaule, mais qu'est-ce qu'il voulait ?
– J'ai une meilleure idée ! il criait. Ta salle de bains, on va la faire au rez-de-chaussée ! Oh, TU DORS ?




(photos X)

6 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Blogger Aurélie a écrit...

Juste pour vous dire qu'en passant sur un blog j'ai vu que le votre (excellent par ailleurs) est conseillé! c'est la gloire, la reconnaissance! ;o) http://inclassable.typepad.com/un_blog_par_jour/

29/1/05 8:25 AM  
Blogger Ally a écrit...

Anitta t'es une grande malade !!!lol. Il est génial ce post !!!

29/1/05 2:42 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Anitta, ton blog est un régal ... le style et la narration sont parfaits. Je suis complétement dedans. Je crois qu'aucun blog m'a fait cet effet.

Au plaisir de te lire encore longtemps

Petit Prince

29/1/05 4:45 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

c'est que j'y crois, moi, à ce que je lis ici!!!
quel exemple!!!;-)

tgtg
http://users.skynet.be/tgtg

31/1/05 8:54 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

faisez gaffe que la Anitta elle nous fasse pas comme le Hondelatte, tchao, bye bye, juste avant le 13h, tout ça parce qu'elle aura son portrait dans libé avec une grosse photo, bon je sais elle a pas l'air très catho cette fille, mais la notoriété faut faire attention.
bon chuis un peu jalouse d'accord en plus j'avais trouvé pleins de photos stupides, Anitta au carnaval en train de manger des frites, Anitta sur sa 104 peugeot, Anitta avec son bonnet de douche (pas en caoutchouc elle peut plus l'enfiler, nan elle a pas des grandes oreilles, c'est sa grosse tête)mais j'arrive même pas à les coller.
non vraiment c'est ça le pire c'est que cette fille elle est vraiment douée, je vais la mettre en lien pour que la presse mondiale la reconnaisse, bon y paye pas cher, mais elle mange rien.

31/1/05 11:05 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

mince j'avais oublié de me signaler c'était la bibiche.

31/1/05 11:07 PM  

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