23.5.05

A nous les petits Anglais.

Did you know that during this famous spring of 1978, my parents welcame Jerry and Tom, english school correspondents of Béa and me at London, in the familial house… during seven long, awful and terrific days ?

Sure, you're not obliged to be of my opinion ; but I do really think that this crucial week explains better than many other things the reason why I don't speak English very très bien.

So, let's talk !

First, hmm… Have you ever seen The Sex Pistols ?

Imaginez les habitants du village alignés devant la gare, agitant les petits drapeaux et calicots de circonstance. Imaginez ces braves gens aux idées fortes et aux goûts simples, réunis pour célébrer un pan important de l'amitié franco-britannique… Ce jour-là, dans un déploiement de bonne humeur dont Le Monde La Voix du N. allait se faire l'écho le lendemain, le village recevait les correspondants avec lesquels notre belle jeunesse communiquait depuis six mois.

Imaginez ces parapluies déployés, cette atmosphère de kermesse paroissiale, que dis-je, de revanche cantonale : pour une fois que le village faisait la une ! S'il n'y avait pas la fanfare municipale, ma foi c'était tout comme ; rendez-vous compte, même le maire du village, un affreux réactionnaire de type giscardo-poniatowskien, avait tenu à être présent.

Imaginez ces visages poupins descendant du train, petits écoliers en uniforme, la casquette sur la tête, la cravate autour du cou, la pochette à la boutonnière, pilotés par leurs professeurs ; imaginez les effusions, les valises s'empilant sur le quai… quand soudain, à côté de moi, quelqu'un poussa un grand cri.

Sortant bons derniers du compartiment, venaient d'apparaître à sa porte deux individus en blouson de cuir, T-shirt et jeans déchirés, les cheveux dressés sur la tête ; un sourire sinistre et le regard d'un bœuf qu'on mène à l'abattoir en prime. Tout un poème.

Répondez-moi franchement : vous le voyez mieux, maintenant, le cri d'effroi qu'a poussé ma mère ? Quand il est devenu évident que les deux zigotos en question étaient bien les Jerry et Tom qui nous étaient dévolus à Béa et à moi, je l'ai entendue pâlir.

Du haut des marches, le premier a jeté son sac sur le quai, quand il a touché terre on a clairement entendu des bouteilles se briser à l'intérieur ; tandis que le second n'a rien trouvé de plus malin que balancer sa canette sur la voie et d'émettre un énorme rot.

Oui, ça s'est passé comme ça, Monsieur le Juge. Je ne vous mens pas : le jour où les punks ont débarqué dans mon village, j'y étais.

Remarquez, j'exagère un peu. Au milieu de tout ce joli monde, il y en avait quand même une qui ne se tenait pas de joie.
– Tu te rends compte, me poussait-elle du coude. C'est génial !

Vous ne rêvez pas : génial est bien le terme que Béa a employé.

Faut dire que, depuis que le directeur de l'école s'était piqué de relancer les échanges linguistiques, le village entier avait été mis à contribution ; c'est ainsi qu'on s'était retrouvées ma sœur et moi avec Jerry et Tom sur les bras. Plus vieux que les autres, vu qu'elle et moi n'étions plus à l'école depuis longtemps, ils étaient mignons comme tout – du moins, sur la photo. Bon, je vous passe la qualité du courrier : sachez seulement que notre correspondance n'ira jamais enrichir les ors de la Pléïade, et c'est très bien ainsi.

Il se trouve que mon père avait vivement encouragé cet échange ; précisons que quand mon père encourageait vivement quelque chose, tout le monde obtempérait sans moufter, tant se dégageait de lui une autorité naturelle difficile à contester (surtout si vous étiez sa fille). Pour être complète, ajoutons qu'à ses moments perdus, il œuvrait dans l'import-export, section Internationale, bureau Amitié entre les peuples, si vous voyez. J'ignore comment ça se passait pour lui au travail ou dans ses réunions, je crois qu'avec lui la dictature du prolétariat n'était pas une formule totalement dénuée de sens, mais le fait demeure : à la maison, il lui suffisait d'élever la voix pour être obéï.

Pour lui, en s'investissant dans cet échange, c'est l'Angleterre de la Révolution industrielle et des Trade-Unions que nous recevions ; celle-là même que Margaret Thatcher anéantirait en moins de dix ans et dont Ken Loach deviendrait le meilleur peintre. A l'époque, Bobby Sands était encore en vie et les mineurs trimaient dur à la mine – toujours si vous voyez.

Entre familles, des réceptions étaient prévues durant la semaine, mais je dois reconnaître qu'on n'a pas été invités très souvent. Par contre, on n'a rien manqué des visites culturelles, même si nos amis n'ont pas vu grand chose des Caps, musées et mémoriaux au programme : arrivés sur place, rien ne les préoccupait davantage que d'acheter de la bière et de la finir avant de remonter dans le car. Bref, disons que pour la découverte de la région, leur moisson fut des plus limitée.

Jerry et Tom étaient des punks, des vrais de vrai – made in Soho ; de toute façon, n'était qu'à voir l'état dans lequel ils ont laissé ma chambre. Plus vieux que leurs coreligionnaires, ils n'allaient pas en cours, et ces sagouins en ont bien profité. Quand ils n'étaient pas en voyage, ils passaient la journée enfermés à la maison à écouter de la musique, des trucs zarbis dont on allait finir par devenir fan – mais seulement une fois qu'ils seraient partis.

C'était à peu près tout le contraire de ce à quoi on s'attendait ; côté hygiène, nos cousins grands-bretons n'entretiennent-ils pas une farouche réputation de méticulosité ? Les nôtres, je me demande encore s'ils ont fréquenté la salle de bains. Côté diététique, allez vous faire voir : vous leur prépariez un croustillant bacon and eggs, et ils vous réclamaient leurs Chocapic. And so on…

Quand ils sont partis – soupir de soulagement dans la chaumière – mes parents ont mis plusieurs mois avant de renouer des relations apaisées avec le voisinage. Bien sûr, l'année d'après, quand les jeunes du village sont partis conquérir Albion, Béa et moi nous sommes faites porter pâles… avec la bénédiction du father.

Et voilà comment, à cause de cette foutue semaine et de ces punks à la noix, je n'ai jamais pu développer pleinement mon goût pour les langues étrangères. Pas dit que j'aurais fait des étincelles, remarquez ; n'empêche.

Sorry.

Parfois, quand je repense à ces huit jours, je me dis que Jerry et Tom n'auront finalement guère eu d'influence sur notre mode de vie. Bon, à quelques détails près, c'est vrai : par exemple, quand on allait chez le coiffeur, on ne regardait plus tout à fait les mêmes modèles sur le press-book de Jean-Louis David, Béa et moi.

Enfin, surtout Béa.

Cela dit, elle avait pris soin de dupliquer leurs cassettes, et on n'avait pas fini d'en entendre parler.

Oï !




(photos X)

13 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Anonymous Anonyme a écrit...

Excellent !

(Note pour la rédaction : je t'ai lue avec l'accent de Maurice Chevalier, c'était bien comme ça qu'il fallait, hein ?).

J'attends la suite avec impatience...

19/5/05 8:36 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

god save the queen
johnny b ggode
road runner

yeaaaaaahhhh

19/5/05 10:19 AM  
Blogger Ally a écrit...

Your english's not so bad !

19/5/05 11:06 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

LOL (works in english and in french as well ;-) )

19/5/05 4:20 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Lon, awful AND terrific ???
Oh dear...
(traduction : oh peu-chère)

19/5/05 5:35 PM  
Blogger Maurice a écrit...

I wandered lonely as a cloud
That floats on high over vales and hills,
When all at once I saw a crowd,
A host, of golden daffodils.
Beside the lake, beneath the trees,
Fluttering and dancing in the breeze.

This is an extract of a poem I could learn less than 30 years ago. I still remember it. Amazing, isn't it?

19/5/05 10:39 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je trouve, Anitta, que tu ne t'es guère étendue sur vos relations personnelles à tous les quatre, mmhhmmm ?

Mais tu m'as tuée avec "j'ai entendu ma mère pâlir"...

23/5/05 9:45 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Cette charmante scène des amitiés franco-anglaises rappelle les délicieuses après-midi de jardinage de Miss Marple dans son cottage. Vêtue d'une robe à fleurs, elle arrose ses fleurs puis va préparer des scones avant d'écrire un livre policier...

So cute... (les seuls mots que je maîtrise bien dans la langue de Shakespeare, après avoir regardé les 8 saisons de Sex and the City)

23/5/05 9:55 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Comme jujuly je défaille sur le "j'ai entendu ma mère pâlir".

J'imagine aussi l'état de tes parents après le départ des charmants damoiseaux !

23/5/05 10:17 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

pssst, Anitta !
Mini-frime : tu sais que j'ai traduit (Re-traduit, bien sûr, pour une nouvelle édition) deux ou trois Agatha Christie, il y a quelques années...?

23/5/05 11:44 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

yesss :-)

23/5/05 4:47 PM  
Blogger Ally a écrit...

héhé j'ai presque tout lu d'Agatha Christie ! J'adore !:-)

23/5/05 11:20 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

J'adore cette tranche de vie. Ça m'a rappelé ma semaine en Angleterre à la sortie de 3e...

24/5/05 5:12 PM  

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