4.1.05

Le Yéti de ch'Nord.

Hier soir, j'étais chiffonnée, mais chiffonnée…! Vous pouvez pas savoir. Pourtant, on n'a pas fait d'excès : juste un repas léger entre amis, façon régime minceur après les Fêtes, et quasi rien bu, à part cette bière que Thierry nous a soudainement sorti de sa besace, une bière exceptionnelle il disait, je l'ai trouvée en Belgique et vous allez me goûter ça tout de suite, une bière exceptionnelle tu parles, si c'était pour me filer la migraine à trois heures du matin, il pouvait bien se la garder sa bière exceptionnelle ! Moralité, mon mari dormait à poings fermés et moi je tournais et retournais dans le lit, je vous dis pas la tête que j'avais.

Alors bon, je me lève, je vais jusqu'au frigo boire un verre de lait, et arrivée dans la cuisine figurez-vous que j'aperçois deux grands singes assis sur ma terrasse.
Mes jambes ont tremblé, je me suis sentie faible, tout à coup.
– Ouais d’accord, je me dis. Des singes, maintenant !
A cet instant, un des orangs-outangs se lève et vient frapper au carreau, visiblement c'est pour entrer et là faut que je vous avoue un truc, les ouistitis je peux pas les voir, même en photo – c'est physique. Alors, à trois heures du matin sur ma terrasse, vous imaginez le tableau.
– Ouvrez ! me dit le chimpanzé.
– Pas question ! je réponds.
– Pourquoi ? il me demande.
Je ne me suis pas démontée.
– Vous avez vu l’heure ? C’est pas une heure pour rentrer chez les gens, ça !
Derrière la vitre, j'avais le sentiment de maîtriser la situation. L'autre a eu l'air embarrassé.
– Anitta ? il a demandé.
– Oui, qui la demande ? j'ai répondu, surprise.
– Nous aimerions vous dire quelques mots, a repris l'autre d'une voix douce. Si vous ne voulez pas nous laisser entrer, voulez-vous au moins nous rejoindre sur la terrasse ?
– Sur MA terrasse, j'ai souligné.
– Oui. VOTRE terrasse, il a souri.


Dans la nuit, un éclair de lune se balançait doucement, et c'est au moment où je me suis assise à leurs côtés que la bière de Thierry a recommencé à faire son effet. La tête entre les mains, j'ai dévisagé les deux singes et j'ai éclaté de rire.
– Eh dites… Ça vous dérange pas, tous ces poils sur le nez ?
Ils n'ont pas eu l'air de trouver ça drôle, mais j'étais lancée.
– Vous êtes des sacrés p'tits malins, hein ? Allez, bas les masques ! j'ai crié. C'est fini Carnaval, et depuis longtemps !
Je me suis mise à rigoler en pensant à la tête de mon homme s'il se réveillait à son tour.
– Au fait, qui est King, et qui est Kong, de vous deux ? Ha ha ha !
J'étais écroulée de rire, on ne pouvait plus m'arrêter.
– Anitta… a dit le premier singe.
– Désolée, j'ai pouffé. J'ai mangé ma dernière banane ce matin !
– Voyons… a dit le second singe.
– Mais si vous voulez, je peux faire des pieds et des mains pour vous en chercher une !
– S'il vous plaît !
Ils me fatiguaient, à la fin.
– Oui quoi, qu'est-ce que vous me voulez ?
– Ce n’est pas facile à expliquer, a dit le singe. Il s’agit d'un vol.
J’ai bondi.
– QUOI ?


Le premier singe a sorti une photo.
– Vous connaissez cet… Cet homme ?
– Thierry ! j'ai murmuré.
Le premier s'est retourné vers celui qui paraissait être le chef.
– Elle a tous les symptômes ! On devrait l’embarquer, elle aussi…
– Eh là, doucement ! j'ai dit. Comment ça, elle aussi ? Qu’est-ce que vous avez fait de… de lui ?
– Calmez-vous, m'a fait l'autre. Et regardez donc en bas.
En bas, un grand camion blanc était garé sur le trottoir, avec une gigantesque cage à l'arrière.
– Oui, et alors ?
– Regardez mieux…
Je me suis penchée sur le balcon, et j'ai vu. Dans la cage, il y avait un énorme singe attaché par des chaînes, un vrai monstre à faire peur avec des poils partout.
– Mince alors ! j'ai dit.
Et comme je disais ça, la bête a rugi un grand coup.

J'ai eu un affreux doute. Bon, deux singes sur ma terrasse en pleine nuit passe encore, mais là c'était le bouquet.
– Qu’est-ce que c’est ? j’ai demandé. Le Yéti de ch'Nord ?
Le primate a soupiré.
– Anitta. Cet… Cet homme que vous appelez Thierry…
J'ai compris d'un seul coup.
– Attendez. Vous voulez dire… Vous voulez dire que c’est lui, dans le camion ?
Je me suis mise en colère. C'était toujours la bière.
– Non mais dîtes eh ! De quel droit vous avez fait ça ?
Ils me regardaient sans avoir l'air de comprendre.
– Oh les macaques ! JE VOUS CAUSE !
Je me suis penchée sur le balcon, j'arrivais pas à y croire.
– Thierry ! Thierry ! je criais.
– Ça ne sert à rien, voyons. Il ne peut plus vous entendre !


Je ne sais pas ce qui s'est passé, mais j'ai tout de suite su qu'il disait vrai. J'ai secoué la tête, complètement abattue. Le second singe a posé sa main sur la mienne.
– C’est très important, il a dit. Vous avez bu combien de verres ?
– Comment ça, combien de verres ? Vous voulez parler de… de la bière ? La bière à Thierry ?
Il s'est emporté.
– Oui, je veux en parler ! Et vous ne savez pas ce que je vais vous dire !
Il a repris sa voix douce.
– Ce n’était pas de la bière, Anitta. C’était… C’était BEAUCOUP plus que cela, vous comprenez ?
Je me suis sentie aspirée par le vide.
– Elle a des effets vraiment… Vraiment maléfiques. Et sans ce… ce Thierry, elle n’aurait jamais dû arriver jusqu’ici. Alors, dîtes-moi : combien de verres en avez-vous bu ?
– Je ne sais pas, j'ai dit. Deux ou trois ?

Evidemment, j'étais en dessous de la vérité, mais à ma place vous auriez dit pareil.
– C’est beaucoup trop, Chef ! Elle a dépassé la dose ! s'est énervé le premier singe.
– Taisez-vous, a répondu l’autre.
Il s'est tourné vers moi.
– Allons. Il n’est pas trop tard. Prenez ça.
Il m'a tendu un flacon avec un liquide blanc à l'intérieur.
– Qu’est-ce que vous voulez que je fasse de ça ?
– Dépêchez-vous de l'avaler, il a dit.
– On la met avec l’autre, Chef ? a insisté son copain.
– Non, il a répondu.
Il avait toujours sa main posée sur la mienne ; alors, prise d'une impulsion subite, j'ai décidé de lui faire confiance. J'ai porté le flacon à ma bouche et je l’ai vidé d’un trait. Le singe a récupéré sa fiole, et ils ont disparu de ma terrasse en un éclair, en se laissant glisser le long des arbres. Du balcon, j'ai vu repartir le camion, avec mon Thierry qui faisait de grands gestes à l'arrière. Après, je suis tombée dans les vapes.


Le lendemain, c'est un bruit étrange qui m'a réveillée, comme un rugissement qui venait de la chambre à coucher. En une seconde, ça m'a tout de suite réveillée.
– Mince, j'ai dit. C’est toi, euh… Chéri ?





(photos X)

2 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Blogger Ally a écrit...

Elle me fait peur cette photo !

4/1/05 9:52 PM  
Blogger Daniel Rondeau a écrit...

Voilà que je te découvre.
Je reviendrai souvent!

4/1/05 11:16 PM  

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