25.1.05

La mariée était en noir.

Bon alors, je vous le raconte, ce fameux Réveillon ? Oh, ne vous emballez pas, surtout. Ça n'a pas marché.

Pour résumer, disons qu'il y a aujourd'hui autant d'accointances entre Thierry et Sylvie que celles qui unissent un éléphant et un magasin de porcelaine. Inutile d'en faire des tonnes, n'est-ce pas ? Je pourrais invoquer mille excuses, le résultat serait toujours le même : ça n'a pas marché.

Moi, après ça ? Zen. Complètement zen. Pffiiouu…! Si vous saviez comme je m'en fous ! Quoique par moments je la trouve un peu saumâtre, c'est vrai. Mais bon : zen. Pourquoi s'énerver de toute façon ? Ça n'a pas marché.

N'en parlons plus.

Aujourd'hui, vous voulez que je vous parle des Beatles ? Je suis incollable sur les Beatles. Ou alors le Mexique – vous connaissez le Mexique ? Les Aztèques, je peux en parler pendant des heures. Et pourquoi pas l'Olympique de Marseille ? Dîtes, vous voulez pas que je vous parle de l'OM ?

Aaaah, je suis dégoûtée. Dé-goû-tée !

Ça n'a pas marché.

Allez, à la demande génér… euh enfin, de truc et de machin, là : le récit du désastre.

18h00.
Aujourd'hui c'est Réveillon ; mon fameux Réveillon du mois de janvier : ce repas de fête au cours duquel je vais présenter Sylvie à Thierry (et réciproquement) en espérant qu'ils se plaisent. Croyez-le j'ai tout prévu – tout minuté à la seconde près. A cet instant je suis chez Sylvie ; on est dans sa cuisine, et je l'aide à ranger ses courses. Auparavant, on est passées rendre la voiture à Franck, qui est parti chercher Thierry après m'avoir répété deux fois la consigne du jour.
– Oui, j'ai compris ! sourit-il. 20h00 à la maison !
– Précises ! je lui crie tandis qu'il file. 20h00 pré-ci-ses !

A ce même instant précis, à l'autre bout de l'allée, confortablement avachis sur les canapés du salon, Louloute et Julien se passent pour la ixième fois le dernier CD d'Evanescence (un cadeau de ses pauvres parents, vous savez : ceux qui n'y comprennent rien à la musique de djeun's). Eh ben… Moi je trouve ça pas mal du tout, Evanescence : peut-être un tantinet gothique sur les bords, mais pas mal.

Toujours à ce même instant, Jérémy et Audrey jouent aux Lego chez Maryvonne, la voisine de Sylvie. Enfin, pour être plus juste : Audrey tente de construire une maison pour sa Barbie, et Jérémy s'amuse à la détruire en donnant des coups de poing dedans.

Dehors, il pleut.

18h20.
Sylvie et moi finissons d'emballer les cadeaux (oui, c'est un vrai Réveillon) quand Maryvonne ramène les gamins. Ça tombe bien qu'elle arrive, Maryvonne. Avec son mari qui bosse à la mairie, elle est généralement bien informée de ce qui se passe en ville. Autour d'une petite bière, la discussion qui nous arrête c'est : quels costumes pour le défilé du 13 Février ?

Ici à Fort-Synthe, Carnaval s'empare de la ville presque deux mois par an : et ce soir, le bal du Chien Noir va inaugurer les festivités – même si pour certains la fête ne commence et ne s'arrête jamais tout à fait. Pour moi, depuis toujours (même quand j'habitais de l'autre côté de la ville) le moment que je préfère c'est la Bande de M. : son défilé, son rigodon, sa cantate. Tout un poème.
– Je vous préviens les filles, je lance à mes copines. Cette année, je loue. Ça coûtera le prix ce que ça coûtera, mais j'en ai marre de me taper des heures de couture pour un costume qui ne sert qu'une fois dans l'année !
– T'as raison, approuve Sylvie. Mais avec les gamins, moi je n'ai guère le choix. T'imagines le prix ?
– Mince alors, fait Maryvonne. On va quand même pas jouer les touristes dans notre propre ville ! La semaine dernière, j'ai trouvé sur le marché de R. un tissu pas cher du tout, et je me disais que…

Au même moment chez moi, Julien met un de mes vieux disques. "Non, remets Evanescence !", crie Louloute d'une voix sans appel. Julien obtempère. Les chiens ne font pas des chats.

Dehors, il pleut toujours. Un peu plus fort, j'ai l'impression.

19h02.
Sous une pluie battante je cours jusqu'à chez moi. Dans la cuisine, je sors mon lapin du frigo, où il a mariné toute la nuit. Mon plan de travail est dégagé. Faut dire, le Lapin aux Pruneaux et Raisins, c'est ma spécialité. Devant moi, j'étale les ingrédients nécessaires : lardons, oignons, échalotes, etc. J'égoutte avec soin mon lapin, puis je me passe les mains sous l'eau. Tout va bien. Je sifflote. Dehors, malgré qu'une foule de festivaliers se prépare à ripailler gaiement, il pleut désormais à torrents.

19h09.
Je roule mon lapin dans la farine quand on toque à la porte de la cuisine. Julien entre, et je manque sursauter : il s'est rasé la tête, et deux anneaux argentés lui défigurent le nez. Il me fait un peu peur, comme ça. Je ne suis pas très fière de l'avouer, mais la première chose que je me suis dite c'est : oh la la, si maintenant ma fille sort avec des garçons encore moins bien dans leur peau qu'elle, deviendra-t-elle adulte un jour ?

Au même instant, chez Sylvie, Jérémy fait sa crise.
– Non ! J'irai pas chez Tata Nitta !
Entre nous, je crois que notre petit ami a surtout peur que je lui mette une rouste à Gran Turismo 3. Grâce aux progrès fulgurants que j'ai accomplis (mes entraînements nocturnes n'y étant pas pour rien) la dernière fois je l'ai proprement ridiculisé.

19h20.
Sylvie m'appelle. "Je vais venir maintenant, dit-elle. Côté pluie ça n'a pas l'air de se calmer et Maryvonne propose de nous déposer". Elle a une drôle de voix. Auraient-elles fini le pack de bière, toutes les deux ?

19h23.
A l'étage, Louloute et Julien préparent la table du pique-nique. Ils y ont monté un vieux poste CD.
– Hé, vous voulez pas baisser le son ? je crie, tout en mettant mon lapin à dorer dans la cocotte.

19h37.
Flanquée de ses deux anges, arrivée de Sylvie. Dans son ensemble noir à fines dentelles, elle est belle comme une aquarelle de Marie Laurencin. Pour fêter ça, on ouvre une bière.

Les gamins foncent au deuxième étage.

19h46.
J'accompagne Sylvie jusqu'au bureau.
– Alors tu vois, là tu n'as plus qu'à télécharger ce petit logiciel et comme ça tu pourras communiquer avec moi !
– Mais… Quel intérêt ? je demande. Si j'ai envie de communiquer avec toi, je t'appelle ! Au pire, si c'est urgent… Je vais chez toi !
– Mais non, tu comprends pas. MSN, c'est juste pour s'échanger des trucs, mais pas des trucs graves… Un petit coucou de temps en temps, quoi !
– Et… Tu préfères pas qu'on s'appelle ?
– Rhaaaa ! Tu comprends rien. Je… Je t'expliquerai une autre fois, va. Ça t'ennuie si je regarde si j'ai des messages ?
– Haha ! je claironne. Aldo62 est de retour ?
Quand on repasse dans la salle de jeux où le pique-nique s'installe, Jérémy n'ose pas me regarder.
– Tiens ! Et si on branchait la Playstation ? je le nargue.

Par le vasistas, on dirait qu'il pleut un peu moins fort.

20h00.
Franck et Thierry ne devant plus tarder maintenant, je mets mon lapin dans la cocotte. Dans une grosse heure, il sera prêt. Le temps qu'il faut pour boire l'apéritif tout en liant connaissance…

Dehors, les gouttes n'en finissent pas de tomber.

20h10.
Le téléphone retentit. Je me précipite sur l'appareil.

20h11.
C'est Christine, ma sœur, quelque part en Nouvelle-Zélande.
– On va rentrer la semaine prochaine ! m'annonce-t-elle. Et euh... Avant de rentrer, on voulait profiter un peu du Carnaval. Tu veux bien nous accueillir quelques jours ?

20h13.
Pas de nouvelles des deux hommes.

20h15.
J'appelle Franck sur son portable. Répondeur.

20h28.
Toujours aucune nouvelle.

20h40.
J'introduis délicatement mes raisins secs dans la cocotte.

20h45.
D'après Evelyne Dhéliat, ce temps pourri va se maintenir toute la semaine.
– Eh ben ça promet ! jure Sylvie.

20h50.
On se décapsule une autre bière.

Louloute vient faire cuire les steacks de ses hamburgers.

Je dépose maintenant le foie dans la soupière.

Dehors, le tumulte des klaxons annonçant l'ouverture du Carnaval gonfle de plus en plus. Il pleut toujours.

21h00.
Rien. J'éteins la télé.

21h12.
Toujours rien. Je ne sais pas si je dois m'inquièter ou me mettre en colère. Un peu les deux, sûrement.

21h25.
Les hamburgers du pique-nique sont servis. Avec Sylvie, on monte s'assurer que tout se passe bien. Louloute me jette un regard noir.

21h27.
On sonne longuement à la porte. C'est bizarre, je me dis, Franck a sa clef… Est-il arrivé quelque chose ? Je descends l'escalier en quatrième vitesse.

21h28.
Et voilà ! Sur le seuil, je dénombre une vingtaine de personnes, bande de braillards costumés outrageusement fardés qui forcent mon passage et entrent dans la maison en entonnant une chanson paillarde. Ils sont trempés des pieds à la tête, une vraie tornade, ils sont saouls comme des cochons, une vraie calamité.
– Vive le LOSC ! m'hurle Thierry dans les oreilles.
– T'inquiète pas… murmure Franck, l'air contrit. Ils m'ont promis de pas rester longtemps.
Je me pince les lèvres jusqu'au sang.
– Trop aimable, je réponds.



(tableaux Sarah Bradbury)

3 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Anonymous Anonyme a écrit...

un petit coucou anitta
j'ai bien aimé ton post sur le nord

sourire

26/1/05 11:39 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

bon, je n'y connais rien en foot, mais suis moi aussi incollable sur les Beatles...
n'empêche, j'attends la suite avec impatience: pour finir, à quelle heure est partie la meute? Et ton lapin, pas trop calciné?
Je me languis....et suis rivée à mon ordi...
au passage, bisous les filles (Kiwi, Bibiche, Alba...et le garçon!)

Snoopy

27/1/05 8:50 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

c'est vrai c'est pas sympa , mais raconté comme ça je ne peux qu'avoir envie de rire , rien que d'imaginer ta tête et d'une et de deux la tête que moi même j'aurai fait

sourire

28/1/05 12:39 AM  

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