Nervous breakdown #2.
C'est drôle. Je fais parfois, pour user d'une formule pré-mâchée, ce rêve étrange et pénétrant où, occupée à chasser de vieux démons de mon esprit, je vaque à de menues tâches ménagères dans une maison qui ressemble à la mienne, mais en trois fois plus grand – pour être claire : ces nuits-là, sans prêter attention aux larmes qui baignent mes joues, je passe l'aspirateur comme une tarée dans des pièces et un couloir immenses. Pof, la cuisine, pif, le cellier, paf, le salon et pouf, le vestibule. Ha ha !
Ces nuits-là, je suis la reine du ménage, laissez tomber je vous prie, vous n'êtes pas prêts de me disputer ce titre. Croyez-moi, aucun recoin ne m'échappe, aucun mouton ne m'effraie, un chiffon sur l'épaule et un flacon de pschiitt à la main j'extermine la poussière en un clin d'œil ; ces nuits-là je suis la fille de Monsieur Propre, la sœur de Cléopatra, la protégée de Saint-Marc, dans les Flandres ne me surnomme-t-on pas la Tornade blanche ? Dans mon rêve, c'est encore mieux que d'ordinaire, je vole d'une pièce à l'autre telle une danseuse-étoile, mes pantoufles de vair ont chaussé des pointes, mon aspirateur est léger comme une plume, et il avale les minons un à un, comme un crève-la-faim. Ha ha !
Ces nuits-là, je suis la reine du ménage, laissez tomber je vous prie, vous n'êtes pas prêts de me disputer ce titre. Croyez-moi, aucun recoin ne m'échappe, aucun mouton ne m'effraie, un chiffon sur l'épaule et un flacon de pschiitt à la main j'extermine la poussière en un clin d'œil ; ces nuits-là je suis la fille de Monsieur Propre, la sœur de Cléopatra, la protégée de Saint-Marc, dans les Flandres ne me surnomme-t-on pas la Tornade blanche ? Dans mon rêve, c'est encore mieux que d'ordinaire, je vole d'une pièce à l'autre telle une danseuse-étoile, mes pantoufles de vair ont chaussé des pointes, mon aspirateur est léger comme une plume, et il avale les minons un à un, comme un crève-la-faim. Ha ha !
Ça dure comme ça un certain temps, je vous l'ai dit : la maison est immense, et quand je finis par monter à l'étage, l'aspi sur l'épaule, je découvre que tous les murs ont été abattus et remplacés par de grandes baies vitrées, qui divisent l'espace en de multiples boxes contigus, comme des bocaux entassés l'un à côté de l'autre ; les studios d'une radio. Bon, ok ! Les yeux baissés sur le carrelage je ne pipe mot, toute à ma tâche je sifflote gaiement, et j'arrive dans un box un peu plus grand que les autres ; là, levant la tête à la recherche d'une prise où brancher l'appareil, j'aperçois soudain une, deux, quatre, puis… une multitude de têtes connues.
Tous, ils sont tous là ; ceux dont le souvenir ne m'a jamais quitté, ceux dont j'ai perdu le nom mais me rappelle encore les traits, ceux au contraire dont je murmure le prénom sans parvenir à mettre un visage dessus ; foule de figures familières, mélangées là sans souci d'étiquette ; ceux qui sont devenus célèbres, comme Marie-Odette Lefebvre, copine de lycée que j'aidais à boucler ses dissertations, et qui a aujourd'hui son nom dans le journal tous les jours, vu qu'elle est devenue responsable du service abonnement de La Voix du N. ; ou Caroline Van den Houtt, ma meilleure amie, connue dès la maternelle et que je retrouverais à la fac, quand nous apprendrions maladroitement à danser le folk, avant qu'elle ne parte épouser son professeur à Grenoble ; ou encore Gabriel, mon fameux amoureux, qui me kidnapperait un certain soir d'été 80 pour m'emmener voir Bob Marley… Et des dizaines, que dis-je ? Des centaines d'autres sont là aussi, se tenant au fond de la pièce, timides et maladroits, et dont je sais, sans qu'ils aient besoin de me rappeler précisément les circonstances dans lesquelles ça s'est fait, qu'ils ont compté pour moi, à un moment ou un autre.
Bon, il n'y a pas que des amis c'est vrai, au fond je distingue aussi comme une sorcière la face grinçante et grimaçante de Madame Hernoot et, à côté d'elle, le chefaillon de service qui déclencherait tout ; et encore tout plein d'autres, comme par exemple ce policier municipal qui, l'année dernière, refusa de m'écouter malgré mes protestations alors que j'étais de bonne foi, enfin je crois (j'espère qu'il se reconnaîtra), j'en passe et des bien pires…
Tous, ils sont tous là ; ceux dont le souvenir ne m'a jamais quitté, ceux dont j'ai perdu le nom mais me rappelle encore les traits, ceux au contraire dont je murmure le prénom sans parvenir à mettre un visage dessus ; foule de figures familières, mélangées là sans souci d'étiquette ; ceux qui sont devenus célèbres, comme Marie-Odette Lefebvre, copine de lycée que j'aidais à boucler ses dissertations, et qui a aujourd'hui son nom dans le journal tous les jours, vu qu'elle est devenue responsable du service abonnement de La Voix du N. ; ou Caroline Van den Houtt, ma meilleure amie, connue dès la maternelle et que je retrouverais à la fac, quand nous apprendrions maladroitement à danser le folk, avant qu'elle ne parte épouser son professeur à Grenoble ; ou encore Gabriel, mon fameux amoureux, qui me kidnapperait un certain soir d'été 80 pour m'emmener voir Bob Marley… Et des dizaines, que dis-je ? Des centaines d'autres sont là aussi, se tenant au fond de la pièce, timides et maladroits, et dont je sais, sans qu'ils aient besoin de me rappeler précisément les circonstances dans lesquelles ça s'est fait, qu'ils ont compté pour moi, à un moment ou un autre.
Bon, il n'y a pas que des amis c'est vrai, au fond je distingue aussi comme une sorcière la face grinçante et grimaçante de Madame Hernoot et, à côté d'elle, le chefaillon de service qui déclencherait tout ; et encore tout plein d'autres, comme par exemple ce policier municipal qui, l'année dernière, refusa de m'écouter malgré mes protestations alors que j'étais de bonne foi, enfin je crois (j'espère qu'il se reconnaîtra), j'en passe et des bien pires…
Bien sûr, mes parents sont là aussi, avec ma sœur Béa, à côté de qui se tient un Vincent plus beau que jamais, et Christine et Eric, mes oncles Jean et Robert, et mes cousins, même celui qui vit en Angleterre ; évidemment, Franck et Louloute, Thierry et Sylvie, Maryvonne et Alain, d'autres amis encore sont là, et leur présence m'emplit de joie, je suis follement heureuse de les voir rassemblés dans cette pièce, qui devient de plus plus immense à mesure que j'avance ; vite, je me dépêche de finir mon ménage, ce qui est loin d'être simple car cette foule a répandu partout dans la pièce de la terre, du sable et des cailloux, schlink schlink fait le tuyau de mon aspi, schplik schplik proteste son ventre garni, et la salle rigole de me voir m'activer de la sorte.
Il en est qui m'encouragent et tapent dans leurs mains en cadence, au fur et à mesure que je nettoie le sol ils lèvent les pieds et me laissent passer en me tapant gentiment sur l'épaule, quand soudain c'est le drame : emportée par mon élan je dérape, et mon aspi bute sur la chaussure de quelqu'un que, d'abord, je ne reconnais pas ; malédiction, la chaussure est happée par l'engin, et disparaît d'un coup à l'intérieur… avant que, dans un chuintement terrible, la jambe et le reste du corps, tout entier, ne s'évanouissent avec elle.
Horrifiée, je reste interdite au milieu d'une foule qui n'a semble-t-il rien remarqué, et qui continue de me sourire ; alors, pour en avoir le cœur net, je m'approche d'une autre personne, dont le visage me rappelle vaguement quelque chose. Plantée devant lui, je projette sur son visage quelques gouttes de mon pulvérisateur miracle et, avant même de pouvoir saisir mon chiffon, stupeur, il s'estompe et disparaît à son tour.
Là, je ne sais pas pourquoi, la colère me prend soudain ; tous ces gens que je me faisais une joie de retrouver, peut-être même, allez savoir, partager un café avec eux en évoquant le bon vieux temps, tous ces amis ou connaissances disparaissent un à un dans mon aspirateur avec un bruit sec, flop flop et de loin en loin, pas un qui ne me résiste plus d'une seconde. En quelques instants, je me retrouve dans une pièce totalement vide et beaucoup moins vaste qu'au début, les murs de verre ont disparu eux aussi, le papier peint a changé, et résonne alors la voix de ma mère.
– Anitta ! T'as rangé ta chambre ?
Il en est qui m'encouragent et tapent dans leurs mains en cadence, au fur et à mesure que je nettoie le sol ils lèvent les pieds et me laissent passer en me tapant gentiment sur l'épaule, quand soudain c'est le drame : emportée par mon élan je dérape, et mon aspi bute sur la chaussure de quelqu'un que, d'abord, je ne reconnais pas ; malédiction, la chaussure est happée par l'engin, et disparaît d'un coup à l'intérieur… avant que, dans un chuintement terrible, la jambe et le reste du corps, tout entier, ne s'évanouissent avec elle.
Horrifiée, je reste interdite au milieu d'une foule qui n'a semble-t-il rien remarqué, et qui continue de me sourire ; alors, pour en avoir le cœur net, je m'approche d'une autre personne, dont le visage me rappelle vaguement quelque chose. Plantée devant lui, je projette sur son visage quelques gouttes de mon pulvérisateur miracle et, avant même de pouvoir saisir mon chiffon, stupeur, il s'estompe et disparaît à son tour.
Là, je ne sais pas pourquoi, la colère me prend soudain ; tous ces gens que je me faisais une joie de retrouver, peut-être même, allez savoir, partager un café avec eux en évoquant le bon vieux temps, tous ces amis ou connaissances disparaissent un à un dans mon aspirateur avec un bruit sec, flop flop et de loin en loin, pas un qui ne me résiste plus d'une seconde. En quelques instants, je me retrouve dans une pièce totalement vide et beaucoup moins vaste qu'au début, les murs de verre ont disparu eux aussi, le papier peint a changé, et résonne alors la voix de ma mère.
– Anitta ! T'as rangé ta chambre ?
Voilà. Vous me demandiez de vous raconter mes rêves, et je vous ai pris le dernier qui m'est passé par la tête. Tous ne se déroulent pas comme celui-là, bien sûr. Par exemple, il y en a d'autres où, au petit matin, je remonte la plage de Mola à toute vitesse sur un cheval lancé au galop… Ce qui est bizarre, vous en conviendrez, c'est que je ne suis jamais montée sur un cheval ; j'en ai peur, moi, de ces bêtes-là. Oui je sais, je suis trop longue, et nous voilà déjà parvenues à la fin de la séance ; bah, vous me direz ce que vous en pensez la prochaine fois ! Tenez, voilà votre chèque, et à bientôt Docteur… Portez-vous bien, en attendant !
(tableaux Mark Tobey).
(tableaux Mark Tobey).
10 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):
Monde étrange des rêves, en effet...
humhum je vais envisager ma reconversion !
Ouh la !
Impossible à interpréter.
Bises, et qu'ça brille hein !
PS: en fait, j'avais une énorme cochonceté à dire mais je n'ai pas osé.
Mais faut arrêter la fumette, mon enfant !
;-)
Mais Anitta si tu racontes tes rêves tu nous ouvres des portes, on va rentrer, s'installer, prendre un gâteau, une limonade, arroser la plante, soulever le tapis, allumer le poste, danser devant le miroir, regarder les rayons de lumière, t'attendre, tout ranger, te laisser un petit mot, partir sur la pointe des pieds...
Bon, ben au moins, tu lui en donnes pour ton argent à ton psy. Il a de quoi bosser :-)
Je ne sais pas pourquoi, mais le récit de ce rêve m'a super émue (est-ce que cela "m'interpellerait" quelque part, Docteur ? Hum, hum).
Moi je rêve aussi de grandes maisons vides, avec des tas de pièces qui se découvrent au gré de ma visite, mais je ne fais que penser à l'aménagement, je n'y fais pas le ménage (pas folle la guêpe ! Déjà dans la vraie vie, c'est pas ma tasse de thé, alors je ne vais pas me mettre à briquer dans mes rêves...)
Mé t'es où ?
euh dis là ton aspirateur dévoreur il ne s'en prendra pas ensuite aux lecteurs de ton blog ?
"un petit comprimé par jour pendant un an", le seul blog dangereux à lire de la blogosphère.
Un instant en te lisant je t'ai révée dans un autre rêve, où anitta se changeait en Alice in wonderland, dans cette maison inconnue ses larmes coulaient, coulaient et menaçaient d'inonder un étage après l'autre, et l'aspirateur ne suffisait plus à éponger toute cette douleur.
a ! a ! douceur alors...
Je ne dis, je n'en pense pas moins à toi. Je souffle des trucs en silence. Des bulles que tu me claquerais à la tête si tu savais. Mais là non. ;-)
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