7.10.05

Josiane.

Et donc, comme prévu, tôt le lendemain matin – à peu près vers 14h00-14h30 – est parvenu à nos oreilles le doux vrombissement de cette fantastique machine, la Kawhonzuki 1015 cm3, version prototype Enduro du Quai-Two, une pure merveille.

Un engin viril ce qu'il fallait, carossé comme un obus, qui au repos faisait le même bruit qu'un avion à réaction carburant à l'essence de betteraves – histoire de ne pas faire trembler les fenêtres de notre immeuble pour rien, po-po-po po-po-po.

Seulement… Bing ! Bang ! M*rde ! Aaarrghh ! Qui aperçus-je en bas, descendant de l'énorme bécane derrière Thierry, une fois que je me fus précipitée sur les trois mètres carrés de notre balcon, au troisième étage au fond du couloir, à gauche en montant ?

Je vous le donne en mille : Josiane.

Ma grande copine Josiane.

C'est sûr, on a tous nos fantômes, et rien qu'hier je m'étais jurée de ne plus vous assaillir avec les miens ; cependant, plus j'y réfléchis, plus je me dis que vous avez sûrement déjà ce modèle-là dans vos cartons : mais si, voyons, le modèle Langue de Vipère… La royale, l'universelle, l'intemporelle langue de vipère. Sauf qu'avec Josiane, on était tout de suite dans le prix d'excellence, le chef d'escadrille, le septième dan – le permis Or. D'ailleurs, comme j'en dispose moi-même de plusieurs du même moule dans mes bocaux, vous serait-il possible de me les échanger contre un ou deux modèles que je ne posséderais pas encore…?

Car Josiane n'était pas une langue de vipère ordinaire : le venin qu'elle distillait était d'essence neurasthénique. Voyez-vous, il est des ignominies qu'on raconte sur votre compte qui parfois vous révoltent, et d'autres qui parfois vous accablent ; mais celles que Josiane se plaisait à répandre sur moi me faisaient sombrer dans une profonde tristesse. Aujourd'hui encore, je ne connais pas de mégère plus épuisante : avec ses cheveux ternes, son visage sans grâce et son physique quelconque, elle a sur mon moral le même effet qu'une interview d'Amélie Nothomb à la télévision. Si Josiane était un médicament, sûr qu'il serait classé parmi les anxiogènes.

Le premier de ses coups pendables elle me l'a fait à dix-sept ans : je m'en souviens comme si c'était hier. Un jour, dans le bus qui nous amenait au lycée, elle s'était assise à côté de moi. Bon, à l'époque je n'étais déjà pas très liante, c'est vrai, mais sa bonne bouille de fille de la campagne pas bèsbège pour un sou m'avait séduite : on avait passé tout le premier trimestre assise soir et matin l'une à côté de l'autre. Las, une fois que j'étais fiévreuse, je m'étais lâchée avec elle et on avait passé en revue toutes les passagères de l'autobus : hé, t'es au courant que machine, là, elle couche avec truc ? Et t'as vu comment elle s'habille, elle ? Regarde, t'as vu sa coupe de cheveux et ses bagues, à l'autre, là ?

Bref, que des trucs existentiels, vachement importants, ce genre de choses qu'un garçon ne pourra jamais comprendre. Oui, mais voilà : sur ces entrefaites, j'ai attrapé une méchante grippe qui m'a fait manquer l'école un jour ou deux, et ce court laps de temps lui a suffi pour rapporter intégralement tous mes propos à chacune des copines en question.

Pouah ! Dans l'autobus, du jour au lendemain je suis devenue plus tricarde qu'une limace dans un élevage de salades ; c'est tout juste si on ne me jetait pas des petits cailloux quand je remontais l'allée centrale. Etonnez-vous, après, que comme une âme en peine je me sois mise à frayer plus que de raison avec les garçons, tant j'étais rejetée par mes semblables ? Après tout, n'était-ce pas sa faute à elle si l'un d'eux, un peu plus dégourdi que les autres, allait me kidnapper six mois plus tard pour m'amener voir Bob Marley ?

Bon, il y avait eu ensuite d'autres épisodes nettement moins drôles à l'époque de Béatrice, dans lesquels elle devait jouer un rôle un peu plus trouble, mais passons, passons ; pas ce soir. Revenons plutôt à nos serpents.

Josiane, donc.

– Surtout, pas un mot sur hier, hein ? j'ai prévenu autour de moi. Tenez votre langue, vous au moins !

Quand elle a fait son entrée dans mon salon, à la suite d'un Thierry rayonnant, je n'ai pas apprécié le regard circulaire qu'elle a jeté sur la pièce. Faut dire que Louloute et Christine étaient vautrées sur le canapé en train de regarder Rick Hunter, le duvet même pas rangé et ses affaires éparpillées par terre, que Franck était sanglé dans sa combinaison et piaffait d'impatience le casque à la main, et que, dans mon t-shirt XXXL pa ni pwoblem, je repassais une pile de linge haute comme le Kilimandjaro.

Pour une méticuleuse du ménage comme moi, je parie que même Stephen King ne saurait pas décrire le sentiment d'horreur qui m'a saisie à l'idée de l'accueillir dans un tel capharnaüm. Cela dit, les retrouvailles furent chaleureuses, disons.
– Anitta ! Ben dis donc, ça fait un sacré bail ! elle a fait, une fois les garçons partis essayer leur nouveau jouet. Tu vas bien ?
Et elle a prononcé cette phrase avec le plus parfait sourire de la langue de vipère qu'elle était.

Heureusement, elle avait oublié sur qui elle était tombée. Moi, les langues de vipère, je ne les repère peut-être pas du premier coup, mais je sais très bien les imiter.
– Josiane ! C'est vrai ça dis donc : ça fait une paye ! Que deviens-tu ? Assieds-toi ! Sois gentille, va te chercher un tabouret dans la cuisine. Non ces chaises-là faut pas les prendre, elles sont nazes, Franck les a recollées hier mais elles sont pas encore sèches. Non, pose pas ton casque ici, donne-le moi plutôt…

Vous croyez qu'elle serait partie à la cuisine, vous ? Non. Madame a préféré examiner mon mobilier avec le même intérêt que s'il se fut agi de pièces de musée. Bon, sur ce point-là, je ne pouvais pas lui donner totalement tort.
– Oh la la ! elle a sifflé. Tu l'as acheté à Congorama ton salon ?
Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? j'ai pensé. Tu travailles pour La Voix du Nord, maintenant ? L'Officiel des Spectacles ? Paris Boom-Boom ? Pfff…
– Oh je sais plus… Peut-être, j'ai dit.
– Mais si maman ! s'est relevée Louloute. On les a achetées l'année dernière ces chaises-là, tu te rappelles pas ?

Rafraîchissez-moi la mémoire. Qui a dit : on n'est jamais trahi que par les siens, déjà ?
– L'année dernière ? a fait Josiane. Cherche pas, c'est vraiment de la daube ! Moi y-a longtemps que j'y vais plus, chez Congo !
– Rhhhhh ! je me suis dit.

Intérieurement j'ai maudit Thierry. Franchement, depuis Béatrice il menait sa vie comme il l'entendait, il était suffisamment grand et il pouvait sortir avec n'importe qui, je ne me mêlerais JAMAIS de ses oignons ; mais là, j'étais bien obligée de constater qu'il sortait vraiment avec n'importe qui. Et elle, qui continuait à fureter dans tous les coins, mettre son nez partout, poser des questions sur la vie, le boulot, et si on allait déménager, tout ça… Dis, tu veux pas me laisser souffler une minute ? j'ai songé, avant de me reprendre.
– Tu reveux du café, Josiane ? j'ai demandé depuis la cuisine.
– Ah c'est pas de refus ! elle a soufflé. D'autant que là où ils vont, nos hommes…
Je n'ai pas aimé la façon dont elle a prononcé le "nos".
– … ils vont pas être de retour avant six-sept heures du soir !
A ces mots je me suis versé le café chaud sur la main. Le croyez-vous ? Je n'ai rien senti.
– Super ! j'ai dit, en faisant crisser mes dents. On va pouvoir faire des gaufres ! Tu viens m'aider, euh… Josy ?




(photos X).

11 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Anonymous Anonyme a écrit...

Rien que le prénom, je l'entends façon Audiard après ta note et ça me fait grincer des dents !

Allez, ouste, fiche le camp et laisse ma popine Anitta tranquille !

:-D

7/10/05 11:12 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Ce qui est terrible, c'est de se dire qu'on arrive jamais à les éviter, ces gens là, malgré les années qui passent .

7/10/05 1:26 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Non, non il ne faut pas changer de prénom. Moi aussi j'ai un vieux compte avec une Josy... Alors par procuration, j'en profite, et je t'en remercie.
Super ton histoire, je salive devant mon clavier en attendant la suite, et c'est pas bo, bo à voir, mes collègues qui passent et repassent dans le couloir ont l'air de ricaner en douce...

7/10/05 3:48 PM  
Blogger tirui a écrit...

est-ce que tu pourrais nous donner l'adresse du blog de Josiane ?
J'adore lire les potins, mais j'ose pas le faire dans télé 7 jours, rapport avec la dignité de ma fonction.
est-ce que josiane sait si sarko a couché avec Claude C. ?

7/10/05 7:23 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je sens que cette Josiane ne va plus être là quand Thierry reviendra... Me trompé-je ? Attendons la suite pour le savoir.

7/10/05 8:54 PM  
Blogger Ally a écrit...

Tu veux pas l'appeler Natacha plutôt la Josiane ? LOL !

9/10/05 2:32 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je voulais juste prendre la défense des Josiane - j'en connais 3 et elles sont géniales. T'as dû connaître la mauvaise - désolée pour toi. Moi c'est les Véroniques qui m'ont toujours pourri la vie. Heureusement maintenant, grâce au blogging on a exorcisé ma maudicité avec ce prénom. Comme quoi jamais rien n'est perdu.

9/10/05 11:46 PM  
Blogger Ally a écrit...

doublemum > oups sorry ! c'est que j'ai un mauvais vecu avec une Natacha. Enfin juste avec une hein ! ;o)

10/10/05 1:40 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Arrg !
En tout cas j'adore "Congorama" (des meubles de style Africain donc !).

10/10/05 5:33 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Hi hi hi, à peine parle-t-on d'une Josiane que les crépages de chignon apparaissent dans les commentaires ! (Josyane ? Ah non, Natacha? Et pourquoi pas Véronique tant que vous y êtes?)
En attendant, on piaffe d'attendre la suite!

10/10/05 6:27 PM  
Blogger Maurice a écrit...

Elle va poser sa main sur le moule à gaufres et il n'y aura plus qu'à refermer !

11/10/05 6:18 PM  

<< Home