28.6.05

La huitième merveille du monde.

Comme vous savez, chez moi la huitième merveille du monde se prénomme Christine – et s'il y a quelqu'un dont je sois la plus fière, c'est bien elle : depuis le début, elle est l’aventurière de la famille, et même les plus dérisoires de ses exploits ont rejailli sur moi à un point que personne n’imagine. Je suis sûre qu’elle vous plairait : elle est encore plus frondeuse et insolente que moi.

Neuf années nous séparent – et neuf années entre deux sœurs, ce n’est pas une éternité : c’est un monde. Pour moi, dans une famille c’est pile poil l’intervalle de temps qui convient pour rester jeune à jamais ; un peu comme si on avait des enfants à un âge où on ne peut pas en avoir, et qu’on soit déchargé de la tâche de les élever… mais pas de celle de les accompagner (j’espère que je suis claire).

Elle m’a forcée à m’intéresser à des mouvements de pensée, des courants créatifs, des livres, des revues, des musiques… à côté desquels je serais passée le nez en l’air sans elle.

Pourtant, à regarder nos parcours respectifs, tout nous oppose ou presque : j’ai mené une scolarité longue et laborieuse, suivie de pâles études, décrochant au bénéfice de l'âge un diplôme de bonne à rien ; à 22 ans, elle obtenait avec mention sa maîtrise de psycho du côté d’Aix en Provence.

Après quelques péripéties, j'ai fini par épouser un amoureux de belles mécaniques et d’assemblées générales ; elle est à la colle avec un musicien qui fait la manche dans la rue.

J’ai une grande fille majeure et vaccinée ; elle a eu un petit garçon l'an dernier.

J’habite une maison retapée (bientôt) dans ce que mes voisins les plus snobs appellent le St-Tropez (pfff…) du Nord (plage, ruelles, petites boutiques) ; elle vit dans un quartier anarcho-libertaire d’Amsterdam (squats, bicyclettes, patchouli).

Je suis employée par une grande multinationale de l’énergie où se perd chaque jour un peu plus le sens du service public ; elle dirige une micro-structure sociale œuvrant pour la réinsertion des ex-toxicomanes.

Oui, tout nous sépare (sans compter qu’elle est d’une constitution nettement plus robuste que la mienne) et pourtant il n’y a pas une personne dont je ne me sois jamais sentie plus proche, Franck mis à part bien entendu.

Petite, les gens l’appelaient le garçon manqué, comme si les filles n’avaient pas le droit de pratiquer les activités sportives, même les plus dangereuses ! Je vous passe les détails, il y en aurait pour des pages : à six ans elle grimpait aux arbres, à quinze elle faisait du cerf-volant ascensionnel, à dix-huit elle remportait des courses de char à voile…

Je n’invente rien : tout est dans le journal. A la Voix du N., je crois qu’ils l’adoraient. Surtout pour ses cheveux, orange ou bleus selon les jours.

A son retour en France on a habité ensemble, à un moment où mon mari était souvent absorbé par ce syndicat que mon refus du prosélytisme m’empêche de vous nommer (je vous donne juste les initiales : CGT, haha). Certains soirs, quand ses réunions duraient, j'appelais la nounou et on partait en virée toutes les deux.

Je ne vous fais pas de dessin : deux jolies femmes se promenant seules le soir dans la rue, bon, parfois on se trompait sur notre compte ; eh bien, c’est encore elle qui savait le mieux remettre à leur place les fâcheux (j’en ris encore).

Elle a beaucoup de caractère et j’envie souvent son aisance.

Au début, des collègues à moi se joignaient parfois à nous, on allait au cinéma ou ce genre de choses, mais vu que le lendemain la plupart venaient me trouver en me susurrant des "Dis, elle est pas un peu spéciale ta frangine ?" j’ai vite oublié de les inviter.

Plus souvent c’étaient des amis à elle qui venaient – et là c’était rigolo, une fois la conversation lancée je les voyais adresser des regards étonnés à ma sœur – des regards qui disaient : "Dis donc, elle est pas un peu spéciale ta frangine ?"

Dans les repas de famille, son sens de la répartie a plus d'une fois provoqué des étincelles. Quand notre père était encore vivant, elle et lui se fâchaient chaque fois ou presque qu’elle revenait à la maison : politiquement, son engagement à lui (réunions, compte-rendus, re-réunions) lui faisait peur à elle ; c’était un homme de réflexion quand elle était née pour l’action.

Pour finir, issues toutes les deux d’une famille où le rouge vif a longtemps été la seule couleur admise, et quand pour m’engager à mon tour j’ai adhéré à ce grand parti presque à gauche (du passé faisons table rase, etc.), à vingt-trois ans elle a largué ses études de prof et elle est allée faire instit’ chez les indiens.

Au milieu des années 90, elle est partie vivre au Mexique.

Je vous laisse imaginer ma joie le jour où elle est partie.

Snif !




(photos X)

10 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Anonymous Anonyme a écrit...

tsé quoi ? ... elle me plait bien ta frangine, et puis tu en parles avec une telle flamme ;-)

28/6/05 11:10 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Quelle famille !
Et pas du pipi de chat comme celle de "La Petite Maison dans La Praierie", hein ! De vraies héroïnes !

Bonne journée Anitta !

28/6/05 11:24 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je toruve que 9 ans, c'est la bonne distance entre frangine. Je suis beaucoup plus proches de mes "petites" sœurs Aude dite Orium et Luciole qui ontn 7 et 9 ans de moins que moi que des deux autres qui nous séparent...
J'aime bien les histoires de frangines :-)

28/6/05 2:59 PM  
Blogger Ally a écrit...

Dis donc elle est pas un peu spéciale ta frangine ? :D Bon ok je sors !

Ah la rave party le retour !!! Bientôt les détails ! :D

28/6/05 6:22 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Ouin, pourquoi j'ai pas de petite sœur, moi ?
Et pourquoi j'ai pas non plus de grande sœur ?

(Heureusement que j'ai Anitta.)

(quand j'ai le temps de passer la voir...)

28/6/05 10:28 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Oui madame on est cinq sœurs. et les petits-déj, c'était pas triste surtout que c'est moi qui les préparais :-)

28/6/05 11:56 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

ah là là je me sens bien démunie avec mon unique frère...

Mais il est tellement chouette que finalement, je ne l'échangerai pas contre un paquet de bonux (bien qu'ayant fortement hésité à une époque).

29/6/05 8:49 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Etrange, si ma soeur devait écrire un billet sur ma pomme, je pense qu'il ressemblerait quelque peu à ça.
Et ce qui me vrille le ventre c'est la dose d'amour qui se dégage de tes lignes. Parce qu'elle et moi, il nous aura fallu plus de vingt ans pour savoir combien nos différences sont à admirer. Aujourd'hui, non seulement je l'aime mais je la remercie d'être.
Elle a les courages que je n'ai pas.
Avoir des enfants.
Un métier social.
Poursuivre les mémoires, continuer les gâteaux que de nombreuses générations de femmes ont faits dans notre famille.
Ajourd'hui, pour ça et bien d'autres choses, elle m'est nécessaire. Je suis aussi extra terrestre à côté d'elle que ce que ta soeur semble être à ta comparaison.
Mais je ne pourrais pas totalement vivre mon existence libre si elle n'était pas tout ça.

29/6/05 3:40 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

"et de les relater ensuite avec un humour et un sens du détail qui vont vous rendre passionnant le récit de ses journées."

--> tu t'es vue quand t'écris ma chère? Non mais dis ... tu dois être aveugle pour une diplômée de bonne à rien.

Et comme diplôme c'est cool car ça veut dire qu'on peut toujours s'améliorer. Ceux qui ont des diplômes de "bons à tout", si un jour ils regressent : ça fait mal!

A part ça, elle serait pas un peu spéciale ta frangine???

29/6/05 4:36 PM  
Blogger Maurice a écrit...

Christine me semble tout à fait normale. Ce serait pas plutôt sa frangine qui serait un peu spéciale ? Que fait Christine maintenant ?

29/6/05 10:08 PM  

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