19.3.05

Le Jeu des Petites Contrariétés.

Attention je vous préviens : ce jeu est débile.

Si vous désirez néanmoins y jouer, il convient de procéder comme suit. D'abord, évaluez de zéro à un chacune des contrariétés, petites ou grandes, que vous rencontrez au cours d'une journée ordinaire (j'insiste sur le mot ordinaire). Le soir, calculez le total de points ainsi obtenu – si vous atteignez ou dépassez la somme de 10 (dix), bingo : vous avez gagné le droit de vous accorder une récompense. Une ré-compensation, comme disait Béatrice. Que bien sûr vous aurez déterminée, vous-même, au préalable.

Facile, non ?

Bon, je reprends. La première chose à faire, c'est définir de façon précise votre échelle des Petites Contrariétés – en faisant bien attention à ne pas surestimer la part naturelle d'ennuis, disons, qui constitue votre lot quotidien. Par exemple, si vous comptez un point chaque fois que quelqu'un vous marche sur les pieds, vous bouscule sans s'excuser, montre un visage peu avenant ou vous fait respirer de trop près son eau de toilette… un bon conseil : évitez de prendre le métro, ou oubliez ce jeu.

De la même façon, définissez très précisément la ré-compensation à laquelle vous aurez droit si vous atteignez le bon total. Je ne parle pas de vous acheter un bijou, partir en voyage au bout du monde ou manger une tablette entière de chocolat, quoique ce dernier sujet mériterait sans doute qu'on s'y attarde. Certaines ré-compensations d'apparence futile peuvent en effet se révéler d'un usage beaucoup plus redoutable qu'on ne le pense à l'arrivée. Par exemple, l'année dernière au mois d'août, ma ré-compensation à moi était un verre de bière : quand ils ont privatisé EDF-GDF, je vous jure que je n'ai pas dessaoûlé de la semaine…

Pour éviter ce travers, on excluera de la liste les incendies, les catastrophes naturelles, les élections présidentielles, les crimes, délits, deuils et accidents : il est question ici de contrariété, pas de malheur. Inversement, si vous obtenez une ré-compensation chaque jour pendant dix jours d'affilée, il devient urgent pour vous d'envisager un changement d'affectation. Savez-vous que le gouvernement accorde des aides financières aux citadins désireux de s'établir à la campagne ?

Dernière précision, pas inutile : le Jeu des Petites Contrariétés se pratique seul, et il est strictement interdit de tricher.

Bien. Avant que vos protestations les plus virulentes et, dirais-je, les plus irraisonnées ne m'atteignent, je vous rappelle que ce jeu a été inventé par ma sœur ; et maintenant que vous en possédez les règles, voici quelques situations extraordinaires que l'on peut avoir légitiment du mal, c'est vrai, à considérer comme de banales petites contrariétés. Vite, apprenez à en déjouer les pièges !

1°) Les contrariétés insistantes.

Je le répète, votre échelle de valeurs est purement personnelle : si les banlieusards se déplaçant en voiture désirent attribuer un point à chaque heure passée dans les bouchons, ma foi, grand bien leur fasse ! Tout le monde n'a pas, comme moi, la chance d'habiter une cité où la voiture et les piétons sont rois, les embouteillages quasi inexistants, les places de parking abondantes et le réseau de transports en commun fabuleux ! Heu...
– Ennuis de circulation : ajoutez 10 points à votre total mensuel.

Secondement, pour faire plaisir à votre mari vous êtes devenue supportrice d'une grande équipe sportive du Sud de la France. A dire vrai, mis à part l’amour que vous lui portez (à votre mari, pas à l’équipe), rien ne vous prédestinait particulièrement à ce sort. Sauf que, patatras, l'équipe en question accumule les mauvais résultats à peu près depuis le moment, c’est curieux, où vous avez commencé à vous intéresser à elle…
– Défaite de l'OM : 0,1 point (valable également pour toute autre équipe de votre choix).

Troisièmement, vous avez prévu de pique-niquer sur une plage de sable fin, histoire de fêter l’arrivée du printemps, quand tout à coup un ciel furieux décharge sur vos épaules dénudées cette pluie que vous pensiez ne plus revoir avant, mettons, six bons mois. Inversement, déprimée par une canicule ne vous laissant jour et nuit plus un seul poil de sec, claquemurée dans une salle de bains où vous ne parvenez plus à distinguer ce qui de l’eau tiède ou l’eau froide vous procure le plus grand bien, vous manquez la première averse annonçant le retour de l’automne (pas de bol). Cela dit, ne prenez pas vos rêves pour des réalités !
– Caprice météorologique : 0,5 point.


2°) Les contrariétés exceptionnelles.

Comme son nom l’indique, une contrariété exceptionnelle n’arrive JAMAIS (je répète : JAMAIS) deux fois de suite. Que ceci soit clair entre nous. Du coup, c’est donc normal, ce type de contrariété échappe à toute définition. Pour illustrer la difficulté qui vous pend alors au nez pour évaluer correctement ce genre d’ennui, le mieux est encore de vous prendre un ou deux exemples.

– Alors que vous êtes vraiment hyper pressée, la caissière devant qui vous patientez gentiment finit justement sa journée de labeur. Las, sa caisse ne tombe pas juste : et elle entame alors, sous l’œil goguenard d’une collègue peu amène, un lent recomptage des billets, pièces de monnaie et chèques qui la composent. Vous, vous trépignez, mais n’êtes malheureusement pas au bout de vos peines ; tandis que sa collègue prend très lentement vous semble-t-il (mais vous n’êtes pas la mieux placée) possession des lieux, un des articles du client qui vous précède ne possède pas de code-barre. Comptez d’office 4 points.

– Alors que vous êtes toujours vraiment hyper pressée (tiens ! Je me demande s’il ne faut pas voir dans le stress du manque de temps un point commun à ces contrariétés), le brin de toilette léger que vous vous êtes accordée avant de sortir tourne au drame : toute à votre joie d’aller voir du monde, vous oubliez un peu vite l’exiguité désespérante de votre salle de bains, et vlan, vous éclatez le front sur l’arête du placard. Marquez 5 points (ceux-là c'est moi qui vous les offre. N’allez pas en prison, passez par la case départ et, si vous pouvez, essayez de toucher 3 000 Euros. Toujours de ma part).


3°) Les contrariétés quotidiennes.

– Le paquet de café que vous ne parvenez jamais à ouvrir sans en reverser une large traînée sur la table de la cuisine : 0,2 point.
– Le plastique du papier de cigarettes que vous n’arrivez pas à décoller de votre doigt : 0,1 point. Z'avez qu'à arrêter, d'abord.

Et tutti quanti…

C'est débile, hein ? Pourtant, ce jeu je l'adore, ce jeu il me fait rire, ce jeu il met dans mon cœur le soleil que je n'ai pas dehors. Mais le plus drôle voyez-vous, c'est que si j'y ai beaucoup joué, à ce jeu, quand je faisais mon adolescente en rupture de banc, je l'avais complètement oublié depuis… des années, je dirais. Et figurez-vous que c'est ma psy – oui, ma psy – qui m'y a fait repenser, l'autre jour. Comme quoi, il est peut-être pas aussi débile qu'il y paraît, ce jeu… Après tout, c’est normal : puisque je vous dis qu’il a été inventé par ma sœur !




(photos X)

12 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):

Anonymous Anonyme a écrit...

Délicieuce idéée ce jeu des petites contrariétés. Je m'y mets dérechef et te tiens au courant. Bises matinales.

19/3/05 9:09 AM  
Blogger Ally a écrit...

Hum c'est interdit de tricher, mais si on triche quand même, qu'est ce que ça fait ?:-)

19/3/05 10:01 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Si je peux me permettre de répondre à Anne, il me semble qu'elle a plutôt gagné d'avance, au contraire!
Sinon, Anitta, tu vas peut-être sauver mes relations avec mon père, grâce à ce jeu. Mon père qui est incapable de supporter les petits contrariétés, justement. Pas les grandes, non, les petites. Et ça me rend folle. Je vais lui proposer ton jeu. Au départ, il le prendra certainement très mal, mais si ça peut le faire réfléchir un peu juste avant de râler...!
Bonne semaine à toi.

21/3/05 9:52 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

hé hé ma récompense c'est du chocolat

je pense que je vais aller faire un stock de suite

il me semble bien qu'en ce moment et ce n'est pas toujours le cas (heureusement mais je precise quand même , faudrait quand même pas passer pour une défaitiste )

que je les collectione les petites contrariétés

difficile de les énumérer toute car certaines sont privées mais bon ça ne change rien à l'affaire !

j'ai trouvé une bonne excuse pour aller acheter du chocolat

(rires)

22/3/05 3:21 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Excellente idée ce Jeu des Petites Contrariétés!!!

Et ne me contrarie pas!!!

:-)

22/3/05 10:07 PM  
Blogger Ally a écrit...

Mais c'est impossible d'atteindre 10 points en une journée ! pfff jamais de recompensation. C'est nul ce jeu:-)))

24/3/05 12:55 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Ah, merci, Anitta, d'avoir ajouté une échelle de valeurs ! Parce que, je ne sais pas si c'est rassurant ou inquiétant, mais je n'arrive pas à trouver de contrariétés qui en vaille la peine (remarque, c'était peut-être ça, aussi, le but... relativiser?)
Mais maintenant que tu les légitimises, attention, ça va contrarier sévère dans la chaumière.

24/3/05 8:53 AM  
Anonymous Anonyme a écrit...

sadique

24/3/05 11:14 AM  
Blogger Ally a écrit...

Dimanche, tu vas pouvoir te mettre 9 points d'un coup parce que ça sera la 9ème... (nan nan, pas la Symphonie de Beethoven) hihihi:-)

24/3/05 8:42 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Je ne suis pas pressée :-)

Je viens de lire des quatre ou cinq dernier posts et c'est c'est un tel plaisir...
Le problème, c'est que je veux être tranquille et avoir un peu de temps devant moi pour les savourer. Alors, je ne viens pas souvent chez toi...
ce soir, c'est différents, je suis de bouclage au journal, je ne sais pas jusqu'à quelle heure j'en ai, au delà de minuit sans doute... avec de gros creux le temps que tombent les articles... Alors, une petite bouffée d'Anitta, un petit moment de bonheur, ça ne pouvais que me faire du bien...

que ce commentaire te serve de reompansation :-)

24/3/05 9:16 PM  
Blogger Ally a écrit...

T'inquiète, j'savais que c'était le dimanche suivant donc j'avais comme-ci tu parlais du bon ;o)
Et pour qui se met des points, on verra dimanche pro:-)

26/3/05 3:17 PM  
Anonymous Anonyme a écrit...

Formidable ce billet !
J'ai beaucoup souri durant sa lecture. Tiens, ça me donne une formidable envie de jouer à ce jeu ! Premier truc qui me vient à l'esprit :
c'est systématiquement la file d'à côté qui avance plus vite que la vôtre. C'est vrai au supermarché, en voiture...
La voiture qui refuse de démarrer, le coup de marteau sur les doigts...
J'aime beaucoup le ton de tes billets : m'autorises-tu à placer ton blog sur mes liens ?

26/3/05 7:08 PM  

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