Va va voum.
En ahanant tel un lutteur de foire, Thierry s'est relevé.
– Vas-y, maintenant ! Démarre !
Le moteur a toussoté, toussoté, et puis… Rien.
– Tu t'y connais vachement en voitures, m'a fait remarquer Sylvie.
– Crois pas ça, surtout ! j'ai répondu. Quand j'étais aide-comptable, dans mon petit garage, je m'ennuyais tellement que j'apprenais par cœur les revues techniques !
– Plus je te connais, elle m'a avoué, moins je comprends comment tu t'es retrouvée là-bas !
– Les hasards de la vie, j'ai éludé. Rien de folichon. Bon Thierry, ça donne quoi ? On va pouvoir y aller ou non ?
– Tout doux, a rouspété l'autre. On n'est pas aux pièces !
Alors disons, c'est une histoire banale à pleurer : voilà, il s'appelait Thomas (comme le saint du même nom), il était beau comme Mel Gibson dans L'Année de tous les dangers (son meilleur film à mes yeux), il savait tout faire de ses mains (que voulez-vous moi j'aime les manuels), il avait vingt-deux ans (moi aussi), on était jeunes et beaux, la vie nous souriait comme un portrait de Denise Fabre et on s'aimait. Boudiou, qu'est-ce qu'on était cons !
On s'est connus à la fac, davantage sur les pelouses je dois dire que dans les amphithéâtres, à peu près vers le moment où lui et moi avons renoncé à arracher à l'Université Française autre chose qu'un certificat de présence ; quand on a réalisé la vanité de notre persévérance il a pris ses cliques et ses claques – il se trouve que j'en faisais partie. Je me suis laissée emmener sans rien dire.
Oh, on n'est pas allés bien loin, de L. à D. comptez à peu près trois quarts d'heure de route, on est passés de sa chambre à la Cité U au studio situé juste au dessus du garage de son père ; là on a vécu d'amour et d'eau fraîche pendant, je dirais, quinze jours à tout casser, et on s'est vite retrouvés à tirer la langue ; ni une ni deux, il s'est fait embaucher comme mécanicien chez papa. Comment il s'est fâché avec son paternel, je ne peux pas vous dire ; comment il s'est fâché avec moi dans la foulée, là je préfère NE PAS vous dire.
Disons que, tant qu'on faisait du camping dans sa chambre, chacun ses affaires dans des sacs de voyage pas défaits, c'était parfait ; ce qu'en définitive on a pas supporté lui et moi, et qui a fait que la situation a vite dégénéré (disputes, crises de larmes), c'est le fait de devoir nous installer dans ce petit appartement. Sans doute étions-nous plus à l'aise dans l'instabilité que dans le confort ?
Après, comme il était hors de question que je retourne chez mes parents et que les siens m'avaient pris sous leur aile, j'ai d'abord fait des ménages, chez eux et leurs voisins, et j'allais à l'ANPE tous les jours ; j'ai même joué de l'accordéon dans les rues – ouais, vous l'auriez pas reconnue, l'Anitta de ces temps-là. Et puis un jour, son père m'a conduite dans le bureau derrière l'atelier, et c'est comme ça que, sous l'égide de la patronne, j'ai entrepris de déchiffrer les arcanes de la comptabilité analytique.
Bon je vous l'ai dit, il n'y avait pas vraiment de boulot, aujourd'hui on appellerait ça un emploi fictif ; n'empêche, avec mon studio et un peu d'argent, les fêtes du Carnaval n'ont jamais été aussi belles qu'en ce temps-là. De temps en temps mes sœurs passaient me voir, on buvait des bières, on fumait des cigarettes, c'était pas mal. Lorsque ma sœur cadette m'a présenté Thierry, j'ai tout de suite sympathisé avec lui. En plus, il lisait de ces livres !
– La batterie est morte, il a dit.
– Zut, a fait Sylvie. Je crois que c'est râpé pour le café des orgues !
Sylvie m'a fait un petit clin d'oeil.
– Et ce Thomas, tu l'as jamais revu ?
– Jamais. Je sais seulement qu'il est propriétaire d'un grand garage en Allemagne, où il est représentant exclusif de Citroën pour sa région. La seule fois où j'ai eu de ses nouvelles, c'est quand, pour la deuxième fois, on a décidé de se marier Franck et moi : juste après la noce, j'ai reçu un petit colis par la Poste. Dedans, il n'y avait pas un mot, mais toute la documentation technique sur la ZX ! Peut-être qu'il voulait que je lui en commande une…
Les yeux de ma copine se sont mis à briller.
– Mais si tu le connais... Tu crois qu'il me la reprendrait, celle-là ?
– Rêve pas ma fille, j'ai dit. Bichonne plutôt ton mécano !
Et là, me croirez-vous si je vous dis qu'elle s'est mise à rougir ?
(photos X)…
6 PETIT(S) COMPRIMÉ(S):
Argh la vieille zx que j'avais (la TD, une vraie voiture qui fait vavoum !).
Que d'aventures à travers la France, de kilomètres, un vol et un accouchement !
Diantre, ça c'était de la voiture, on pouvait y faire tout avec !
Et pis, j'adore toujours ta façon de raconter (mais reste un peu curieux quant aux facheries éludées)
Ouais ! Sylvie et le mecano :-)
Eh moi aussi j'en veux des gaufres ! miam :-p
Ca se complique...Tu commences à nous submerger d'informations. Le plus drôle c'est que ca n'arrive pas d'un coup et parfois il faut vraiment te relire plusieurs fois pour identifier les rajouts.
Je relève deux aspects contradictoires dans ta personnalité. Autant par moments tu es capable de prendre sur toi, assumer plein de choses autant par moments, j'ai l'impression que tu considères que des trucs t'arrivent sans que tu y puisses grand chose.
Il me semble que tu oscilles entre action et initiative (ton blog par exemple) et passivité (démission avec ta fille, boulot, le système, etc.).
Je sens aussi un trop plein d'énergie qui ne demande qu'à être évacué, une volonté de croquer la vie à pleines dents mais tu parait être freinée par quelque chose, une force de rappel qui etouffe cette vitalité.
Mon avis personnel : au vu de tes capacités d'introspection et d'analyse tu n'as vraiment pas besoin de psy et encore moins d'assistance chimique. La solution est en toi, il suffit juste de la libérer
Je viens de te découvrir, toi et ton blog, via les commentaires adressés à Pierre Carion (qui, à mon humble avis, est en train d'organiser un énorme buzz autour de la mort -programmée- de sa rondelle de saucisson...) !
J'ai bien aimé ton 'Va va voum' avec ses tranches de vie entre quelques tranches de caractéristiques moteur.
Je n'ai pas encore lu tes autres posts, mais cette chronique de la vie ordinaire sur fond de chevrons me donne envie de continuer à te lire !-)
A bientôt, donc.
"La vie nous souriait comme un portrait de Denise Fabre" ... je dévore tes comparaisons !!!
ps : ai transmis ton message à Mistake ;)
Ah oui, j'avais oublié de te dire que c'est la pertinence, la finesse, voire l'humour des commentaires que tu as posté chez Pierre carion qui m'a séduit.
Plutôt bien vus !
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